Football et orientation sexuelle
Le monde du football peut-il invoquer un droit à la libre orientation sexuelle ?
Comme le résume E. Picard (professeur de droit à l’université la Sorbonne Paris 1), « la notion de droits fondamentaux constitue assurément une notion juridique difficile à définir ». Au vu des nombreuses propositions de définitions, elle pourrait représenter l’ensemble des droits subjectifs primordiaux de l’individu. La Charte Olympique, où figurent les principes régissant le mouvement sportif, témoigne de leur importance : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Charte olympique doit être assurée sans discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
Aucune discrimination ne doit être subie, cependant le monde du football est en retard s’agissant du droit à sa libre orientation sexuelle et aucune réelle amélioration n’a été faite depuis sa création en 1848. Très longtemps considéré comme un sport masculin, il était inenvisageable qu’un joueur soit homosexuel. Quand cela s’est produit pour la première fois en 1990, plus d’un siècle après la création du football, il n’y a eu aucune réaction de la part des instances footballistiques. Malgré certains efforts dus à l’évolution des moeurs, les joueurs homosexuels se sentent toujours rejetés au sein de ce sport.
Le football : un sport machiste ?
« Être homo dans le football, c’est plus difficile que dans les autres sports » selon Alexandre Adet, ancien joueur de football amateur. Un sportif, peu importe son niveau, « doit » chercher à rester dans la norme d’un vestiaire et c’est pourquoi révéler son homosexualité durant sa carrière de footballeur n’est pas recommandé. D’autant plus lorsque l’un joueur est sur le terrain entouré des chants de supporters qui n’ont pas le sentiment que leurs propos sont homophobes.
Les derniers exemples les plus célèbres de coming out se sont déroulés dans le rugby avec les Gallois Gareth Thomas et Nigel Owens. Ce joueur et cet arbitre ont reconnu n’avoir eu aucun problème à révéler leur homosexualité et n’ont pas du tout été exclu par les supporters ou le club qui les entouraient.
Deux mentalités diffèrent donc entre le football et le rugby. Le football reste un sport très machiste alors que le concours de la plus belle galipette lors d’une faute entre les joueurs est présent depuis des décennies, qui l’aurait cru?
L’homosexualité dans le football : des libertés fondamentales partiellement garanties ?
La discrimination à l’encontre des sportifs LGBT est très présente dans le milieu footballistique et révèle la violation de plusieurs droits fondamentaux. Il est nécessaire de protéger la diversité de chaque individu peu importe leur orientation sexuelle. Justin Fashanu fut le premier footballeur anglais à révéler son homosexualité en 1990. Ce célèbre joueur de Nottingham Forest, dont le transfert avait atteint plus d’un million de livres, fut sans aucun doute l’un des plus grands footballeurs de sa génération. La révélation de son homosexualité lui a alors valu d’être jugé par de nombreuses personnes et notamment par son coach, qui l’avait accompagné tout au long de sa carrière. Face à ce rejet massif, Justin Fashanau mit fin à ses jours en 1998. À la suite de cette histoire, rare sont les joueurs qui ont osé révéler leur homosexualité. Parmi eux, Robbie Rogers (joueur de football américain), qui a néanmoins attendu les dernières années de sa carrière pour le faire.
Créée en 2007, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne fournit des conseils aux institutions européennes et aux États membres en matière de protection des droits fondamentaux (dans) tous (les) domaines confondus, notamment le sport. La lutte contre l’ensemble des formes de discriminations, dont l’homophobie, en fait partie. En septembre 2018 a notamment eu lieu une réunion à Vienne au cours de laquelle le sujet a été abordé. Mais aucun changement n’a réellement été effectué concernant les discriminations raciales ou l’homophobie, qui sont encore très pour ne pas dire trop, présentes. Pour qu’un changement soit effectif, les conseils doivent être appliqués par les États membres ce qui est encore loin d’être le cas.
Il y a encore moins d’un an, de nombreux matchs ont été arrêtés en Ligue 1 et Ligue 2 à cause de cris homophobes sur le terrain et de la part des supporters. Noël le Graêt (Président de la Fédération Française de Football) estime que ce n’est pas la meilleure et se propose de solution trouver une politique de pédagogie qui ne stigmatise pas tous les supporters. À l’heure actuelle, les décisions arbitrales d’arrêter certains matchs sont également accompagnées par le port d’un brassard aux couleurs du drapeau LGBTQ+ au sein de la communauté sportive. Un geste symbolique, mais bien insuffisant, et qui devient presque un effet de style supplémentaire pour des joueurs dont les coupes de cheveux sont toutes plus atypiques les unes que les autres.
Il semble en réalité que la question de l’homophobie dans le milieu sportif doive être traitée bien plus en profondeur. Le débat est d’actualité face à la persistance du discours de ceux qui considèrent que les insultes homophobes, ou raciales, font partie intégrante de la culture des tribunes. Et il faut également noter que l’homophobie ne s’observe pas uniquement chez les supporters, mais aussi du côté de certains joueurs eux-mêmes, ce qui ne fait qu’étendre le problème.
De ce fait si la pratique du sport est considérée comme un principe général du droit, ce principe ne semble pourtant pas réellement respecté. Les arrêts de matchs n’ont pas le résultat escompté et il existe un manque d’innovation dans les sanctions.
Un manque d’implication de la part du Tribunal arbitral du sport (TAS)
Le Tribunal arbitral du sport est une institution internationale proposant un arbitrage ou une médiation dans le monde du sport. Les sportifs doivent se présenter devant le TAS pour contester les décisions prises par leur fédération sportive. Le TAS sert à maintenir le respect des droits fondamentaux des sportifs. Qu’en est-il alors de la liberté d’orientation sexuelle de ces derniers ?
Si le tribunal l’assure concernant le droit à l’image comme Fabien Barthez (ancien gardien de but de l’équipe de France) qui avait obtenu la suppression d’un article de presse publié à son sujet au motif que cette publication portait atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image, il en est tout autre pour les discriminations homophobes. Le TAS a par exemple donné raison à la fédération mexicaine du football en 2017 après deux amendes infligées par la fédération internationale (Fifa) pour homophobie de la part de ses supporters. Cependant, tout en reconnaissant que les chants en question étaient plus insultants que discriminatoires, il a tout de même ordonné le remplacement des amendes par un avertissement. La réaction du TAS apparait par conséquent largement insuffisante face à ce problème qui dure depuis des années.
Il faudrait que ces institutions prennent exemple sur l’Angleterre où le sujet est nettement plus avancé. En janvier 2019, un fan de Chelsea a été interdit de stade pendant 3 ans et condamné à payer une amende d’environ 1200 euros pour avoir proféré des insultes homophobes à Brighton. Aucune autre institution n’a réellement pris position sur le sujet en ne faisant que le fuir. Il est indéniablement temps que les choses changent.