L’argent ne panse pas les plaies du cœur
Sept années… En sept ans le monde a changé, les gens ont changé, j’ai changé. Jamais je n’aurais pensé développer un amour si intense pour le sport roi puis un désintérêt croissant. A vrai dire, les années passent et les souvenirs d’il y a sept ans s’effacent, mais quelques souvenirs flous subsistent dans ma mémoire comme s’ils étaient éternels : les après-midi après les épreuves du brevet, la cantine le mercredi, un voyage en Sicile, les matchs dans le stade vélodrome en travaux et la célébration des vingt ans du sacre européen de l’Olympique de Marseille.
Pourquoi parler d’une époque révolue ? Ligue des champions 2020 – 2021, retour de l’Olympique de Marseille dans la compétition reine après sept années – où les saisons vierges de compétions européennes ont côtoyé les performances mornes en Europa League. Trois matchs, zéro point, zéro but marqué et sept buts encaissés, le constat est amer, le spectre de la contre-performance de l’édition 2013 – 2014 hante. Quelle triste réminiscence. Au delà du sentiment d’humiliation qu’instillerait une récidive dans le cœur des marseillais, la participation à cette édition même en tant que faire-valoir représente une manne financière non négligeable. Cependant l’argent panse-t-il vraiment les plaies du cœur ?
Les deux faces d’un club de football
Revenons à la base du supporter. Le supporter est pluriel, s’impliquant de différentes manières et à différents niveaux dans la vie du club supporté, regardant plus ou moins de matchs – à la télévision ou au stade – et portant plus ou moins d’intérêt au jeu en tant que tel. Cependant tous partagent, premièrement l’intérêt pour le spectacle et deuxièmement le désir de voir un club en particulier gagner. Des plus sombres divisions françaises jusqu’à l’élite, chaque club a ses supporters, qu’il s’agisse d’un petit nombre d’irréductibles ou de légions disséminées à travers le pays, le continent, le monde. En aucun cas, la notion de moyens n’entre en compte. Le spectacle peut exister loin des strass et paillettes, il suffit de quelques joueurs et d’un ballon. Cependant les supporters ne voient dans l’argent qu’un moyen de produire un meilleur spectacle et d’obtenir plus de victoires. Lorsque l’un ou l’autre, et encore plus lorsque les deux font défaut, en dépit des sommes engagées, se cantonner à seulement injecter plus d’argent ne résoudra pas la malheur des supporters.
Un club de football est une entreprise certes pas comme les autres, mais une entreprise quand même. Dans un désir de prendre exemple sur les franchises d’outre-Atlantique d’une part, et d’assurer une certaine pérennité d’autre part, la recherche de rentabilité des clubs de football prend de plus en plus d’importance. A ce titre, quoi de mieux que de systématiquement participer à la Ligue des Champions dont le budget ne cesse d’augmenter – le budget de la compétition a été multiplié par 200 entre les éditions 1992-93 et 2015-16 ? De plus, seulement un quart des revenus est conditionné au résultat tandis que le reste dépend du montant diffusé par les diffuseurs nationaux de la compétition, le nombre de clubs nationaux qualifiés, le classement de la saison précédente dans le championnat national entre autres. Cumuler autant de défaites qu’il y a de matchs en phase de poules assure donc tout de même une manne financière non négligeable, encore plus pour un club dans la situation de l’OM.
Évidemment, le trait est grossi, aucun club ne serait prêt à être chaque année le sparring-partner des membres de sa poule, pour uniquement engranger le minimum de revenus que la LdC peut offrir. Des objectifs autres que la rentabilité entrent en compte dans la gestion d’un club de football, notamment la recherche de prestige. Mais il demeure au fond une vraie divergence entre l’optique des dirigeants et celle des supporters.
Laisser passer la pluie en pensant à l’arrivée des beaux jours
Comme écrit plus haut, la Ligue des Champions représente une manne de revenus non négligeable, et atteindre au minimum les phases de poules chaque année peut être un objectif assurant à long terme le développement d’un club. En effet, cette source de revenus “pérenne” peut permettre, à condition de faire les bons choix – ce qui est le plus dur dans ce sport – de produire plus de spectacles et d’engranger plus de victoires. Le cercle vertueux ainsi en place, toujours conditionné aux bons choix, permettra d’emmagasiner plus de revenus qui permettront d’assurer toujours plus de spectacle et de victoires. Les supporters doivent donc essayer de laisser du temps au temps, laisser passer la pluie en pensant à l’arrivée des beaux jours.
Tout comme l’argent ne fait pas le bonheur mais y contribue, l’argent ne panse pas les plaies du cœur des supporters mais pourrait contribuer au retour des jours heureux… à condition que les dirigeants fassent les bons choix. A ce titre, le cas de l’Olympique de Marseille, club qui fait chavirer mon cœur, et pour qui la qualification en LdC est l’objectif affiché chaque année, inquiète. Les résultats sont désolants mais les revenus sont assurés, ce qui pour l’instant n’occulte certes pas l’humiliation ressentie; mais surtout, les choix sportifs de la direction sont douteux, laissant planer l’inquiétude sur la mise en place du cercle vertueux décrit précédemment. Les supporters, moi y compris, mangent leur pain noir, voyant petit à petit le rêve d’un plat plus consistant s’éloigner. Investir à fond perdu n’apaisera ni mon cœur ni celui des autres supporters, mais utiliser de façon judicieuse l’argent si péniblement acquis le fera.