La phrase de Gérard #1 – Neymar
« De t’façon c’est la sécu qui paie le salaire à Neymar ».
Si a priori il n’existe pas de lien évident entre un 16ème de finale de Coupe de France opposant le PSG et le RC Strasbourg et le déficit de la Sécurité sociale, Gérard est, lui, bien plus clairvoyant. Le 23 janvier 2019, alors qu’on atteignait l’heure de jeu au Parc des Princes, les alsaciens, las du cours de samba que leur infligeait Neymar, assénaient au brésilien une semelle qu’ils considéraient bien méritée. Le joueur du PSG sortira sur blessure quelques instants plus tard, le métatarse droit fêlé. Mais pourquoi Gérard est-il aussi inquiet ? La perspective d’une défaite ? Les phases finales de ligue des champions sans Neymar ? Non, ce qui préoccupe Gérard c’est le trou de la Sécu…
Rappelons ici que Neymar est un salarié presque comme les autres. En effet, le Brésilien fournit 1 – des prestations (les matchs) contre 2 – une rémunération (trois millions d’euros mensuel brut – oui, mensuel). Surtout, si le prodige sait se défaire facilement du marquage de ses adversaires, il reste 3 – subordonné contractuellement à son employeur : le Paris-Saint Germain (ce dernier peut l’obliger à aller s’entrainer, applaudir les supporters en fin de match…). Ces trois critères étant réunis, il est donc un salarié au sens du Code du travail (art. 1221-2). Ainsi, au même titre qu’un index resté coincé dans une chaine de montage, la fracture de son métatarse est un accident du travail somme toute assez banal.
Or, lors d’un accident du travail, si l’employeur ne peut pas licencier son salarié, il n’est en revanche plus tenu de payer son salaire . En effet, s’il est difficilement concevable de licencier un salarié alors que l’accident est dû à son travail, il serait pareillement injuste que l’employeur continue à payer son salaire alors qu’il ne bénéficie d’aucune prestation de sa part : le contrat de travail est « suspendu » (L. 1226-2-1 C. travail). C’est donc la sécurité sociale qui prend le relai ici en versant par le biais de la CPAM des indemnités journalières aux salariés accidentés – ici les joueurs (L. 321-1 C. de la sécurité sociale)
. Le calcul de ces indemnités procède d’un savant et obscur calcul dont le droit du travail, toujours aussi savoureux, s’est fait une spécialité. Les plus courageux le trouveront ci-dessous, les autres iront directement à la conclusion.
Il faut d’abord calculer le revenu journalier du salarié en le diminuant de 21%, soit seulement 79% du salaire, les 21% représentant les cotisations salariales (R. 331-5 2° Code de la sécurité sociale)
: 3 000 000 x 79% divisé par 30 jours = 79 000 €. Pour autant, la CPAM ne verse que 60% de cette somme les 30 premiers jours, soit 47 400 €, puis 80% par la suite, soit 63 200 € (R. 433-1 et -3 Code de la sécurité sociale). Or, la durée de l’absence de Neymar étant estimée à 10 semaines (70 jours), la sécurité sociale aurait dû verser en théorie : 47 400 x 60 + 63 200 x 10 = 3 516 000 €. Et là Gérard voit flou : il n’a pas cotisé toute sa vie pour payer les jérémiades d’une danseuse brésilienne courant après un ballon. Heureusement Gérard ne sait pas forcément que ces indemnités sont plafonnées (202 € pour les 30 premiers jours, puis 270€ par la suite – L. 433-2, alinéa 1, et R 433-3 du Code de la Sécurité sociale). En réalité, les indemnités versées ne seront finalement que de 60 x 202 + 10 x 270 = 15 000 €.
- Conclusion : les indemnités versées par la CPAM étant plafonnées, Neymar touchera seulement 15 000 € de la part de la sécurité sociale, au grand désarroi de Gérard qui comptait fulminer toute la soirée.
Il faut préciser que le PSG est le grand perdant de l’histoire puisque dans les contrats « stars » une clause précise systématiquement que 100% du salaire sera payé au joueur même en cas de blessure. Ainsi, par exception au principe de suspension du contrat, et malgré le fait que le joueur n’effectue plus aucune prestation, l’employeur continue de payer. Et, selon l’article 276 de la charte française du footballeur professionnel, c’est le club (ici le PSG) qui règle la différence entre son salaire et les indemnités.
De plus, selon un rapport publié en 2005 par l’Union des clubs professionnels de football (UCPF), les clubs versent tous les ans 8,5 millions d’euros en cotisations sociales, alors que la « Sécu », grâce au plafonnement des indemnités, ne reverse que 2,5 millions d’euros par an aux clubs professionnels au titre des accidents de travail. Le football couvre ainsi les versements des indemnités dans les autres disciplines sportives comme le tennis ou le rugby, bénéficiaires de ce point de vue. Décidément, une mauvaise soirée pour Gérard.