Les enseignements du feuilleton Neymar JR
Lors de l’été 2017, le dossier Neymar avait tenu en haleine tout le monde du football jusqu’à sa signature au Paris Saint-Germain le 3 août. Deux ans plus tard, la saison estivale et son traditionnel marché des transferts ont une nouvelle fois été marqués par l’avenir du joueur brésilien, alimentant chaque jour les articles de presse et les discussions. Mais contrairement à l’épisode 2017, l’épisode 2019 fut bien moins passionnant à suivre, tout du moins sur le plan moral. Une semaine après la fermeture du mercato, certains enseignements peuvent néanmoins être tirés sur ce feuilleton sans précédent qui aura vu finalement Neymar rester au sein du club parisien.
Une presse internationale sans limites
On le sait, la période des transferts est une période vaste pour les journalistes. Des rumeurs, des enquêtes, des infos exclusives, le mercato est un intermède également intense au cours d’une saison pour la presse. Mais alors que cette dernière connait une grave crise de confiance chez son lectorat à cause notamment d’un traitement de l’information parfois peu professionnel et peu moral, le cas Neymar n’a pas permis de redorer sa réputation. Pire, elle semble en jouer et elle a trouvé dans le feuilleton de l’été, le parfait mélange pour satisfaire ses intérêts. Mais quels sont les intérêts d’un média ? On pourrait penser qu’avant tout c’est d’informer de manière impartiale le lecteur. Du moins, en France, puisqu’on sait qu’en Espagne, un autre type de journalisme s’exerce, où la prise de points de vue objectif ou non est bien encrée dans les moeurs.
Aujourd’hui, on peut cependant s’interroger si l’objectif d’information est LA priorité des journalistes au sein de leur rédaction. On peut affirmer que la recherche de buzz et donc d’un plus large public est devenue commun au détriment de la qualité et de la véracité de l’information relayée.
Le suivi des envies de départ de Neymar n’y a pas échappé et a même atteint son paroxysme.
Tout au long de l’été, les médias spécialisés du monde entier ont consacré quasi-quotidiennement un article relatif à l’avenir de l’ancien joueur de Sao Paulo. Avec à chaque fois, un contenu toujours plus inventif. Il faut savoir que dans un dossier aussi important et complexe que celui-ci, avec une dimension sportive mais aussi commerciale, peu de personnes participent aux négociations.
On peut surement les compter sur les doigts de deux mains. Les présidents des deux clubs concernés, le joueur et son entourage proche, et les intermédiaires de confiance. Au regard des enjeux, il serait impensable que ces personnes là trahissent les négociations en dévoilant tout type d’informations en lien avec le potentiel transfert du joueur.
Mais de l’autre coté, les médias ne peuvent rester silencieux en attendant le dénouement de l’affaire. Bloquées, les diverses rédactions sont dans l’obligation de monter de toutes pièces un scénario, avec toujours en tête la vente d’un maximum de papiers. Et c’est là où la morale disparait. Le rationnel et le probable ne vendent pas, il faut du sensationnel et de l’original.
C’est pour ces raisons que durant l’été, un nombre incalculable de prétendus informations est sorti dans la presse concernant les modalités du transfert du brésilien. On ne peut tous les citer tellement les éléments s’inter-changeaient à chaque fois. Il comprenait pour le Barça une certaine somme d’argent avec l’ajout de joueurs comme Démbélé, Coutinho, Rakitic, Vidal, Semedo, Todibo, rien que ça. Coté Real, le procédé était le même avec une forte somme d’argent et l’ajout de joueurs comme Bale, James, Isco ou encore Navas. On a également eu le droit à un prêt de Flamengo ! La palme d’or pourrait également revenir au journal qui a annoncé que Neymar était prêt à mettre 20M de sa poche pour forcer son départ. Quand le ridicule ne tue pas…
Il y avait peut être une part de vérité parmi ce flux de rumeurs mais il parait impensable que chaque jour, les dirigeants parisiens recevaient de telles propositions.
On peut donc clairement pointer du doigt des méthodes journalistiques peu éthiques et peu reluisantes pour l’image de ce métier. Mais les journalistes profitent d’une société peu avertie et demandeuse d’infos toujours plus détonnantes, et ce même en l’absence de vérité. Ils sont également utilisés consciemment et inconsciemment par les clubs pour faire passer un message ou pour faire pression sur telle ou telle partie. Le dossier Neymar en a donc été le parfait symbole, desservant ainsi les valeurs humaines du football et l’essence du jeu qui doit se jouer uniquement sur le terrain.
Un joueur prêt à tout pour partir
Depuis son arrivée au PSG, le comportement de Neymar est scruté à chaque instant. Durant sa première année, certains l’ont senti loin d’être adapté à son nouveau club et sa nouvelle ville d’adoption. Suite à l’arrivée du coach allemand, Thomas Tuchel, une embellie a été aperçu très nettement sur le visage du brésilien qui se disait « prêt à mourir » pour son entraineur et n’hésitant pas à embrasser l’écusson de son club. Mais à chaque fois, rien ne se passait comme prévu, la faute à deux blessures à la cheville, l’éloignant des terrains plusieurs mois deux saisons de suite.
On peut également citer ses affaires judiciaires contre son ancien club, le FC Barcelone, avec une mannequin brésilienne l’accusant de viol ou avec le provocant supporter rennais. Pour un homme aussi humain et émotif que Neymar, ses ennuis sportifs et extra-sportifs ne pouvaient pas rester sans conséquences. Alors que son avocat était présent à Paris en fin de saison dernière pour évoquer une prolongation, l’accumulation d’événements fâcheux à son encontre a semble-t-il finit par convaincre Neymar que la meilleure solution était de partir loin de Paris. En cas de départ, sa destination de prédilection fut un retour à Barcelone. Une fois sa décision prise, ses différents conseillers comme Pini Zahavi ont exercé un lobbying constant auprès du board barcelonais pour convaincre ce dernier que son recrutement était devenu une nécessité. Tout comme ses anciens coéquipiers et amis, Luis Suarez et Messi, qui ont révélé ouvertement leur désir de revoir le brésilien parmi eux. Malgré des finances peu prospères, ce travail se révéla fructueux et les dirigeants du Barça ont peu à peu pris contact avec leurs homologues parisiens. Pendant ce temps-là, le numéro 10 de la Selecao s’est mué dans son silence afin de ne se fermer aucune porte en cas d’échec des négociations. Il n’aurait en effet pas été insensible à un possible envol vers une autre capitale, celle d’Espagne où Florentino Perez lui fait la cour depuis des années. Mais, il ne s’empêcha pas, lors de ses quelques rares apparitions médiatiques, à forcer un peu plus son départ comme lors de la fameuse interview où il déclare que l’un de ses souvenirs les plus mémorables est la remontada… du Barça contre le PSG. Etrange timing mais pas anodin. Son souhait de partir doit être respecté mais il y a meilleur manière pour le faire, surtout quand on pense à tout ce que le club et les supporters ont pu faire pour lui. Sportivement, un départ lors de ce mercato de Neymar aurait encré à jamais son aventure parisienne comme un échec. Il lui reste donc au moins une saison pour retrouver ses ambitions en commun avec celles du PSG et ainsi reprendre le fil de sa carrière.
Un Leonardo imperturbable
Revenu après 6 ans d’absence, Leonardo, nouveau directeur sportif du PSG, n’a pas eu un été facile à gérer pour son retour. Outre une institution à renforcer et une image à redorer, le brésilien se devait de réaliser un mercato au niveau des attentes des supporters et des besoins du club. Si l’on prend en compte l’énergie et le temps dépensés dans l’affaire Neymar, on ne peut que le féliciter avec les arrivées entre autres de Navas, Icardi, Gueye et Sarabia. Car, la gestion du numéro 10 parisien n’a pas été de tout repos. Entre un joueur et son entourage prêts à tout pour partir, la pression des dirigeants qataris et le peu d’offres intéressantes reçues, « Leo » n’avait pas le droit à l’erreur. Par sa communication et son sens de la négociation, il a préservé les intérêts du PSG tout au long de l’été. Surtout, que le potentiel départ de la star brésilienne n’était pas qu’un enjeu sportif, l’image du PSG et donc du Qatar était en jeu dans ces négociations, d’autant plus qu’elles étaient menées avec leur nouveau rival catalan.
Finalement, l’ancien milanais a gardé un cap clair et n’a pas cédé face aux pressions des diverses parties et de leurs offres, et ce même si cela entrainait la conservation un an de plus d’un joueur non content de sa situation au club. Malmené depuis plusieurs années, le club parisien ressort clairement vainqueur de ces négociations en s’étant montré ferme à la fois face au clan Neymar et face aux cadors européens. L’Europe est désormais prévenue et Paris peut d’ors et déjà remercier son directeur sportif. Une « victoire » qui en appelle d’autres pour reconstruire et forger une solide réputation au club de la capitale.
Une division au sein des supporters et un lien à rétablir entre le joueur et eux
L’été est synonyme de vacances mais même en vacances, les supporters de football ne mettent pas en parenthèses leur club. C’est ainsi que le cas Neymar a alimenté les débats au sein des supporters parisiens. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que tous les avis étaient loin d’être partagés par tous. On a souvent retrouvé des positions extrêmes comme en témoigne certains Ultras d’Auteuil et leurs banderoles hostiles et insultantes envers leur joueur et les fans inconditionnés du brésilien sur Twitter avec le #LeCheminDuROI. Alors, quand le mercato a fermé ses portes et que l’ancien du Barça était encore dans les rangs du PSG, sa réhabilitation auprès des supporters parisiens a forcément posé question. En marge de la réception de Strasbourg, une divergence est née, sous fond de liberté d’expression, entre le CUP et le club. Le premier voulant réaffirmer son hostilité à l’égard de leur star quand le second voulait calmer le jeu. La solution viendra peut être par la voie du consensus entre fermeté et ouverture. Les dirigeants parisiens auront pour rôle de rétablir l’image de leur joueur en dictant une démarche à suivre où Neymar ne pourra objecter. Ce dernier devra faire preuve d’un professionnalisme sans précédent s’il veut reconquérir les coeurs de ses supporters. Cela passera par une communication sincère et claire ainsi que de grandes prestations sur le terrain. Après cela, peut-être que la partie réfractaire à son égard pourra entrevoir le chemin de la réconciliation. Car la présence de Neymar au PSG doit être une chance et non un fardeau. Le natif de Mogi Das Cruzes a trop souvent fait parler de lui en dehors des terrains ces derniers temps et beaucoup ont oublié qu’il était un Top 3 mondial lorsqu’il était en possession de ses moyens. La réconciliation passera donc par les terrains et en dehors où Neymar n’aura plus la légitimité de demander autant de privilèges qu’il n’a eus jusqu’alors.
Toutes les parties ont ainsi les cartes entre leurs mains et chacun devra mettre du sien pour défendre un interêt commun : celui du PSG.
Melvil Chirouze ( @iamxmelvil )