Cavani : plus recordman que légende
« Plus recordman que légende ». A la lecture de ce titre, fut un temps, plus d’un supporter parisien l’aurait trouvé provocateur voire insultant. Mais quelques semaines après son départ du PSG dans la confusion et l’incompréhension, Edinson Cavani semble avoir perdu de sa superbe du coté de la capitale. De quoi raviver le débat sur ses 7 années au PSG entre les pro et les anti-Cavani. Le titre de cet article est donc un parti pris, argumenté et objectif, sur la carrière parisienne du nouveau Red Devil.
Un recrutement plein de promesses :
Arrivé en 2013 de Naples et recrue la plus chère de l’Histoire du PSG (64M), l’Uruguayen rejoint le club de la capitale pour améliorer significativement la qualité de l’attaque parisienne. Il jouit alors d’une très forte côte en Europe et son association avec Ibrahimovic crée de grandes attentes chez les supporters parisiens. Paris vient de sortir en 1/4 de finale de la Ligue des Champions et doit alors viser plus haut. Cavani est donc recruté pour permettre ce bond en avant.
Un joueur combattif mais limité :
Individuellement, Cavani n’est pas un footballeur aux capacités hors du commun comme peuvent l’être Neymar, Ibrahimovic ou Mbappé. Ce n’est donc pas un joueur « spectacle » qui fait lever les foules sur un geste. C’est un joueur « de courage » qui use les défenses par ses appels en profondeur et par son pressing constant. Capable du meilleur comme du pire, il a démontré sa qualité de finisseur en une touche de balle et son jeu de tête mais s’est également distingué par des carences techniques, indigne d’un joueur de haut niveau.
Collectivement, ses défaillances techniques ont parfois mis à mal l’organisation offensive du PSG, surtout depuis l’arrivée de joueurs rapides et à l’aise techniquement comme Neymar et Mbappé. Le jeu en transition rapide ou dans les petits espaces n’ont ainsi pu le rendre complémentaires avec les deux superstars parisiennes. Cavani ne disposant pas d’une large palette tactique, son utilisation par ses coachs demeura limité.
Pour légitimer ses faiblesses, beaucoup ont avancé le fait qu’il a longtemps évolué dans un poste qui n’est pas le sien. Mais à y regarder de plus près, Cavani a eu de nombreuses occasions pour s’exprimer à son poste de prédilection. En 2014, Ibrahimovic se blesse avant le 1/4 de finale retour contre Chelsea. Cavani se démarque alors par son incroyable inefficacité alors que Pastore le sert à d’innombrables reprises. Paris est éliminé après avoir gagné 3-1 le match aller. L’année suivante, même scénario avec la suspension du suédois. Nouveau match catastrophique, nouvelle élimination. En 2016, l’histoire se répète contre City avec un positionnement axial aux cotés du suédois et nouvelle désillusion. Libéré de toute concurrence après le départ d’Ibrahimovic, on pourrait aussi mettre en avant que le club parisien n’a pas remporté le championnat de France avec Cavani en buteur référent. L’excuse du positionnement ne marche donc pas. Il a eu de nombreuses fois sa chance dans des matchs cruciaux et n’a pas su la saisir. Les contre-performances collectives ne sont pas uniquement de sa responsabilité mais sa pauvreté dans le jeu offensif de son équipe en tant que buteur attitré lui en font endosser une grande partie.
La contextualisation de ses performances ou la démonstration de sa modeste influence :
Meilleur buteur de l’Histoire du PSG avec 200 buts. Voilà un argument souvent rappelé par les supporters de l’Uruguayen pour fuir tout débat sur son réel apport au PSG. Mais quelles incidences ont eu réellement ses buts dans l’Histoire du club ?
Des dizaines de buts contre des équipes françaises moyennes permettant de gagner la Ligue 1 et les coupes nationales. Sur la scène européenne, la donne change puisque l’ancien napolitain s’est plus distingué par ses performances indignes que par des matchs aboutis. 0 but en 6 matchs de 1/4 de finale de Ligue des Champions et des prestations inqualifiables : Chelsea 2014 et 2015, Barça 2014 et 2015, Real 2015 et 2017, Arsenal 2016, City 2016, Bayern 2017, Naples 2018, Liverpool 2018. Autant de grands rendez-vous manqués pour un soi-disant top buteur mondial cela fait beaucoup trop. Mais est-ce réellement anormal de voir un Cavani ne pas prendre le dessus sur des Ramos, Varane, Piqué, Van Dijk. Bien sûr que non. Et c’est là où l’analyse du réel niveau de jeu de Cavani est trompeuse chez ses fans. Marquer des dizaines de buts en L1 chaque année ne fait pas automatiquement de vous un joueur capable de faire les mêmes différences en LDC, surtout quand on connait l’écart abyssal avec la Ligue 1. Le plus important est de toujours contextualiser les statistiques et les performances d’un joueur. Pour résumer, Cavani serait fort chez les faibles et faibles chez les forts. Un peu comme cela était reproché à Zlatan à son époque, à la différence près, que le suédois était un meneur d’hommes capable de bonifier le niveau de jeu de ses coéquipiers.
En somme, l’Uruguayen a eu sa part d’influence dans la quête des titres nationaux sans en être l’artisan majeur et est passé à travers quasiment tous les défis européens qui se sont présentés à lui. On pourra seulement retenir son but contre Chelsea en 2016, contre l’OM en 2018 et enfin lors de la remontada… but qui n’aura finalement eu aucune incidence.
Un clan aux antipodes des intérêts du PSG :
Ne pas être un footballeur extraordinaire, ne pas faire passer de cap à son équipe, de nombreux supporters parisiens passent ces objectifs au second plan lorsqu’ils viennent à parler de Cavani. Pour eux, « l’amour » pour le maillot du PSG de l’ancien de Palerme et les valeurs qu’il véhicule sont bien plus importants. Mais à y regarder de plus près, les 7 années du joueur au sein du PSG ont été loin d’être exemplaires.
Tout d’abord, Cavani aime faire comme bon lui semble et ce malgré les obligations qui le lient au club. Il lui est donc souvent arrivé d’être en retard au stage de reprise (décembre 2014, janvier 2018) ou de partir plus tôt en vacances, sans l’accord du club.
Mais ce qui choque le plus lorsqu’on s’attarde sur le cas Cavani est sa propension, avec son clan, à utiliser les médias pour défendre ses intérêts personnels face aux intérêts du club, lui qui s’affiche pourtant comme un amoureux du club. C’est ainsi qu’en avril 2014, il critique ouvertement en Une de l’Equipe son entraineur et ses coéquipiers qui performent dans un schéma tactique qui ne lui convient pas. En 2015, son entourage déclare au Parisien que rester au club tout en jouant sur le côté n’est pas concevable et quelques temps plus tard ce même entourage avoue se tenir prêt pour ouvrir les négociations avec la Juventus. En mars 2016, le père et agent du joueur dénote un manque de reconnaissance du club alors que ce dernier vient de se qualifier en 1/4 de finale sans son fils. Avant ce même 1/4, le père avoue vouloir envoyer son fils en Italie alors que ce dernier se verrait bien en Premier League. C’est donc sans étonnement qu’en janvier dernier, sa famille pousse pour l’envoyer à l’Atletico, « son rêve » selon sa mère. Tout ce cirque révèle donc une hypocrisie indéniable du joueur qui, avec son entourage familial, fait passer ses intérêts avant ceux du club, n’hésitant pas à manquer de respect à l’institution parisienne.
Alors pourquoi une telle impunité ? Une partie de la réponse pourrait se trouver du côté du Virage Auteuil. Revenu en 2016, le Collectif Ultras Paris a trouvé en Cavani leur étendard pour défendre leurs valeurs. En retour, l’attaquant a trouvé le moyen idéal pour protéger ses intérêts en créant un lien avec un collectif devenu au fil des mois très influent dans l’opinion publique parisienne. Défendu par les inconditionnels du Parc des Princes, l’uruguayen a joué la carte du populisme en déclarant à tout va vouloir honorer son contrat à Paris alors que Leonardo voulait le vendre. Tactique efficace pour garder une belle image auprès des supporters mais surtout son salaire et mettre en porte-à-faux le dirigeant parisien.
Les supporters parisiens, fans de l’uruguayen, tombent dans le piège lorsque Cavani revient de blessure mais reste sur le banc au détriment d’Icardi. Certains crient alors à l’injustice et au manque de respect vis-à-vis du meilleur buteur du club. Il est toujours bon de rappeler qu’un club de football ne vit pas dans le monde des bisounours et que le meilleur doit jouer peu importe le statut de son concurrent. Vexé, Cavani force son départ à l’Atletico mettant dans une position indélicate le club qui doit recruter à moindre coût un buteur pour le remplacer. On est loin du joueur prêt à tout sacrifier pour l’équipe.
Mais comme expliqué plus haut, l’hypocrisie de Cavani est apparu au grand jour depuis son refus de prolonger pour 2 mois l’aventure parisienne alors qu’il lui restait 3 titres à aller chercher. Depuis ? Des critiques envers son ancien club mais pas un mot pour ses ex-coéquipiers et ses ex-supporters. On attend également le communiqué du CUP qui commence à découvrir la supercherie. Ce n’est pas la première fois que Cavani quitte son club par la petite porte. Les supporters napolitains n’avaient pas hésité à le traiter de mercenaire par le biais de banderoles, lorsqu’il a rejoint le PSG après avoir juré son amour pour le club napolitain.
Pour conclure, Cavani n’est pas venu pour faire gagner des compétitions nationales au PSG, qui le faisait déjà avant lui et qui le fera après lui. Il n’a fait passer aucun cap en Ligue des Champions au PSG en 7 ans, alors même qu’il s’agissait de l’objectif de son transfert, et n’a pas fait grandir le club en dehors du terrain comme ont pu le faire Ibrahimovic – qui a accéléré la professionnalisation du club – ou Neymar – par son apport marketing à l’international. Il a simplement été un repère pour les observateurs du foot qui ne se retrouvent pas dans les personnalités et joueurs que peuvent être Neymar ou Mbappé. Pour les autres, il les aura exaspérés et empêchés de « rêver plus grand ».
Melvil Chirouze
(@iamxmelvil)