Identité de jeu et résultats
Le football moderne et ses impératifs financiers forcent les clubs à obtenir des résultats sur le court-moyen terme afin d’assurer leur pérennité. Pour se faire, les clubs se structurent à trois niveaux. Le président se charge de déterminer les objectifs du club. Quant à la cellule sportive, elle se charge de la stratégie, c’est-à-dire de mettre en place un plan qui permette sur le moyen/long terme de remplir les objectifs, et de la tactique qui est la chasse gardée de l’entraineur. Il s’agit là d’appliquer la stratégie décidée en amont sur le court terme, c’est-à-dire à l’échelle des matchs. Quelques rares clubs vont plus loin dans cette mise en place stratégique, la rendant ainsi imperméable au temps et aux changements au sein du club. Ces rares clubs ont mis en place une identité de jeu.
Qu’est-ce que l’identité de jeu ?
Il est tout d’abord important de différencier les notions d’identité de jeu et d’idée/philosophie de jeu.
Ces deux notions ont en commun qu’elles se définissent via des paramètres communs, la manière dont l’équipe choisit d’attaquer (degré de possession, degré de verticalité, largeur…) et la manière dont l’équipe choisit de défendre (hauteur du bloc, pressing, largeur, type de marquage et dans le cas d’un marquage de zone ou d’un marquage mixte, le référentiel).
La différence se situe à notre sens dans le fait que la notion d’identité se rapporte à l’unité. Nous pourrions également utiliser le terme d’ipséité. En effet, une équipe ayant une identité de jeu verra celle-ci la définir. De plus, l’identité de jeu prévaut sur les entraineurs successifs, même si ces derniers peuvent l’altérer pour le meilleur et pour le pire.
A l’opposé, l’idée/philosophie de jeu n’est pas pérenne. Elle est le fruit de l’entraineur en place et lorsque celui-ci est remplacé, celle-ci est aussitôt mise au placard. Cependant, lorsqu’un entraineur marque un club par sa philosophie de jeu, cette dernière peut être érigée comme identité de jeu et perdurer avec en perspective des résultats convaincants…
Mise en place et résultats
La mise en place d’une identité de jeu nécessite des investissements lourds pour les clubs. Cela représente un investissement financier, un investissement humain mais aussi et surtout un investissement temporel. Or, le temps est une ressource rare dans le football professionnel. En effet, cette dernière ne se met pas en place du jour au lendemain.
Des clubs tels que l’Ajax d’Amsterdam, le FC Barcelone ou le FC Nantes ont vu leur identité de jeu être impulsé respectivement par Rinus Michels (1965-1971 et 1975-1976), Johan Cruijff (1987-1996) et José Arribas (1960-1976). Pour les deux premiers clubs, l’identité de jeu mise en place est toujours d’actualité tandis que pour le dernier cité celle-ci a disparu sur le terrain mais existe encore dans les mémoires. Ces différentes identités de jeu ont ramené à leurs clubs respectifs des C1, des C2, des C3, des championnats nationaux et des coupes nationales.
Le parti pris d’adopter une identité de jeu nécessite un investissement humain et financier important, car il s’agit là de restructurer un club autour d’idées communes pour de nombreuses années. La manière d’appréhender le jeu doit être la même entre les équipes de jeunes et l’équipe première afin d’avoir un vivier de joueurs compatibles avec l’identité de jeu prônée. Il est donc nécessaire d’avoir au sein du club des entraineurs et des éducateurs dont le profil est là aussi compatible avec l’identité de jeu souhaitée. Ils devront s’investir humainement car la mise en place d’un projet d’une telle ampleur nécessite une certaine cohérence dans les décisions de la cellule sportive. Les transferts de joueurs nécessitent plus qu’habituellement une exigence quant aux profils, ils devront parfaitement assimiler l’identité de jeu et s’intégrer dans l’effectif déjà en place.
Une condition qui n’est pas sine qua non
Les clubs ayant une identité de jeu ont pour la plupart, d’une part, atteint les objectifs escomptés et ceci sur le long terme, et d’autre part, marqués l’histoire en arrivant là où on ne les attendait pas forcément, en glanant des titres et en marquant l’esprit des amateurs de football.
Pourtant, il ne s’agit pas d’un modèle commun malgré des résultats probants. Il fait plutôt état d’exception dans le football moderne. En effet, tous les clubs ne disposent pas du temps, des finances ou des éléments humains nécessaires à la mise en place d’un tel modèle. Cela n’empêche pas ces clubs de mettre en place un jeu digne de rester dans les mémoires, ni de gagner des titres. Ils se tournent vers d’autres modèles, sans doute moins stables mais tout aussi efficace. En témoigne le Real Madrid, club sans identité de jeu, qui a connu autant de philosophie de jeu que d’entraineur mais qui sur ces dernières années a toujours eu les armes pour lutter contre son némésis le FC Barcelone, premier club qui vient à l’esprit lorsque l’on parle d’identité de jeu.