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La Veille

La veille de la Transversale #13

  • 10 mai 202110 mai 2021
  • par Paul Capron

Chaque semaine, la Transversale vous donne accès à un éclairage scientifique de l’actualité sportive, en recensant les derniers articles publiés.

Intérêt marqué des fonds d’investissements malgré la crise sanitaire

Pascal Rigo : «Trouver la meilleure solution possible pour les Girondins»

Pascal Rigo, entrepreneur aux Etats-Unis et originaire de Gironde, monte actuellement un projet de reprise du club de football de Bordeaux en vue de sauver le club. Ce projet s’articule autour d’un consortium d’investisseurs locaux, notamment issus du domaine viticole, et ce sans qu’aucune dette ne soit levée. La marque Bordeaux sera la pierre angulaire du projet, orienté autour de la formation avec les jeunes de la région.

Rugby: la fédération néo-zélandaise prête à américaniser les All Blacks

La fédération néozélandaise envisage de vendre une partie de la marque All blacks à des investisseurs américains pour 280 millions de dollars, afin d’aider le rugby national, en grave péril financier. Le projet fait scandale dans le pays, tant chez les supporters que chez les joueurs, qui n’ont pas encore accepté d’y participer. Les investisseurs affirment promouvoir le développement du rugby, quand leurs opposants invoquent une pure opérations économique.

Vers un meilleur encadrement du processus décisionnel ?

Formule 1 : À contrecœur, Horner soutient les votes à bulletin secret

Les écuries votent au cours de réunions de la Commission F1, les gros fournisseurs de moteurs comme Mercedes, Ferrari ou Honda étant alors susceptibles de faire pression sur les écuries qu’ils fournissent pour influencer le résultat. Le patron de Mc Laren, soutenu notamment par RedBull, encourage donc le passage à un vote à bulletin secret, qui permettrait une vraie liberté de choix pour les écuries satellites.

Des supporters présents au conseil d’administration de Chelsea

A partir du 1er juillet, le CA de Chelsea comprendra trois supporters, désignés et renouvelés chaque saison selon des critères à définir, qui participeront à au moins 4 réunions du board par an. Ils signeront une clause de confidentialité, et auront le rôle de consultant. Cette nouveauté fait suite au projet avorté de Super Ligue à laquelle le club devait participer, ce qui avait suscité la colère des supporters reprochant de ne pas avoir été consultés.

Sport et problématiques sociétales

Rugby : la ligue professionnelle devient partenaire de Fair play for the planet

La Ligue Nationale de Rugby s’est associée à l’association Fair Play for the planet, qui réalise des audits visant à analyser la possibilité pour les clubs d’améliorer leurs comportements d’un point de vue écologique. La ligue a par ailleurs signé une charte environnementale. Des engagements pour le moments peu contraignants mais qui témoignent d’une volonté du rugby français d’améliorer ses performances environnementales.

États-Unis. Les droits des sportives transgenres en jeu devant la justice américaine

La justice fédérale américaine doit se prononcer sur la question de l’exclusion des sportives transgenres des compétitions féminines. Les partisans de cette solution invoquent des soucis d’égalité : seul un faible nombre de personnes serait finalement concerné, alors même que les compétitions féminines et masculines sont séparées pour créer une compétition équitable en prenant compte des différences physiques entre les deux sexes.

Le football pris entre crise sanitaire et crise structurelle

Salary cap, transferts plafonnés…les pistes de la FIFA pour sauver le football mondial de la crise

Gianni Infantino a révélé les pistes étudiées par l’UEFA pour faire sortir le football mondial de la crise qu’il traverse. S’il ne souhaite pas sanctionner trop lourdement les clubs à l’origine de la Super Ligue, ses propositions sont multiples : mettre en place un salary cap, plafonner les transferts, limiter le nombre de joueurs par équipe ou encore réduire le nombre de matchs disputés. Une réaction sans doute provoquée par le projet de Super Ligue et qui tranche avec son inaction passée.

Les jeunes ne regardent plus le foot ? La bonne excuse !

Pour justifier la création de la Super Ligue, les clubs fondateurs avançaient le désintérêt actuel des jeunes pour le football. Mais ce phénomène s’explique par le coût d’accès aux matchs et la multitude d’abonnements à cumuler, ainsi que par le développement des jeux vidéo donnant une vision tronquée du football. Pour lutter contre cette baisse d’audience, il conviendrait d’imiter le modèle de la NBA ou de la F1, qui s’efforcent de proposer du contenu en clair en vue d’attirer un public plus jeune.

Il n’y aura que 10 clubs en D1 féminine la saison prochaine

En raison de la crise sanitaire, la FFF a pris la décision que le championnat français de football féminin serait constitué de 10 équipes la saison prochaine, contre 12 actuellement, durant une saison au moins. Il est par la suite envisagé d’évoluer vers un format à 14 équipes en D1 d’ici deux saisons. Des protestations commencent à se manifester chez les joueuses, comme la lyonnaise Ada Hegerbeg.

Et aussi :

La cotation de l’AS Roma s’envole après la nomination de José Mourinho

L’arrivée de José Mourinho à la Roma est un pari gagnant avant même que la collaboration ne commence. Le cours du titre boursier du club s’est envolé à la Bourse italienne, gagnant près de 20% après l’annonce de l’arrivée de l’entraîneur depuis l’Angleterre. La hausse était telle que le titre a été suspendu par l’autorité financière italienne, ce qui ne l’a pas empêché de connaître une hausse conséquente.

Esport : les tournois sur Rocket League et Street Fighter V en marge des Jeux Olympiques maintenus

Même si l’Esport n’est pas encore considéré comme un sport olympique, il est prévu qu’un grand tournoi soit organisé juste avant les Jeux Olympiques de Tokyo, et sera doté de 250000 dollars. Cette proximité calendaire avec l’événement olympique devrait permettre au Esport de gagner encore en visibilité.

La Veille

La veille de la Transversale #12

  • 3 mai 20213 mai 2021
  • par Gwenaëlle Pot

Chaque semaine, la Transversale vous donne accès à un éclairage scientifique de l’actualité sportive, en recensant les derniers articles publiés.

Entre sport et diplomatie, il n’y a qu’un pas.

Carton rouge du foot allemand contre l’homophobie de Viktor Orbán. 

Les footballeurs hongrois Péter Gulácsi et Zolst Petry se sont retrouvés au cœur d’une crise diplomatique entre l’Allemagne et la Hongrie sur fond de droits des homosexuels. Le premier, gardien de but du RB Leipzig, a défendu les familles homoparentales sur un post Facebook. Le second, désormais ex-entraineur du Hertha Berlin, a été licencié suite à des propos critiquant cette prise de position de son compatriote.

Par la « diplomatie des stades », la Chine étend son influence en Afrique

Au cours des 50 dernières années, la Chine a rénové ou offert plus d’une centaine de stades à des pays africains. Cela rentre dans le cadre du projet des « nouvelles routes de la soie » : offrir des infrastructures en contrepartie d’un accès privilégié aux ressources et de l’assurance d’un soutien au sein des instances internationales. Des protestations s’élèvent contre cette pratique qui conduit à l’abandon de stades et à des prêts au montant démesuré qui sont bornés à la rupture des relations avec Taïwan.

La Chine se positionne pour devenir un poids lourd de la géopolitique du sport

Depuis les années 70, la Chine a une vision politique du sport, qui passe par la participation à des évènements sportifs, à leur organisation et dernièrement à l’élection de représentants chinois dans les instances sportives internationales. Bien qu’à la présidence d’une seule fédération à l’heure actuelle, la Chine se positionne et tisse des liens au sein des instances pour plus tard y exercer sa domination. Si ces luttes s’inscrivent dans le cadre du soft power, elles sont identiques à celles qui se jouent au sein de l’ONU.

Le retrait de King Street des Girondins de Bordeaux ouvre la voie à des interrogations.

Les fonds d’investissements partis pour rester 

Le but d’un fonds d’investissement est de réaliser une plus-value, mais dans le cas de King Street, il aurait dû réinvestir environ 80 millions d’euros pour que le club se retrouve à l’équilibre, sans certitude de concrétiser cette plus-value et a donc préféré se retirer. Avec la crise sanitaire actuelle, les occasions d’acheter bas vont se multiplier et les fonds d’investissement devraient surement en profiter dans l’espoir de revendre ces actions à un niveau plus élevé par la suite.

Redressement judiciaire et conséquences sportives 

Lorsqu’un club fait l’objet d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, sa rétrogradation dans la division inférieure est automatique. La DNCG de la FFF assurant le contrôle de la gestion financière des clubs de football, son rôle sera donc important pour Bordeaux si une procédure collective est ouverte contre le club. En difficulté financière, le club pourrait ne pas présenter un budget lui permettant d’obtenir une autorisation d’engagement pour la saison suivante.

Les droits TV : un feuilleton en France comme ailleurs

Droits TV de la Ligue 1, Saison 2, Episode 1 

Ni Canal+ ni Bein ne souhaitant reprendre l’intégralité des droits de la Ligue 1, la LFP consulterait d’autres diffuseurs comme DAZN. Canal+ s’opposerait néanmoins à la diffusion de ce nouvel entrant sur ses box. Amazon ne souhaiteraient pas non plus investir énormément dans les droits TV de la ligue 1, n’étant pas intéressé par le marché. Une dévalorisation du prix des droits TV de la L1 devrait donc advenir, loin des 800 millions d’euros espérés après l’arrivée de Mediapro.

Premier League set to extend TV rights deal worth £1.5bn a year with broadcasters. 

La Premier League envisage de renouveler l’accord en date de 2018 relatif aux droits de diffusion de son championnat qui s’élevait à 1,5 milliard de livre sterling par année. Des discussions se sont déjà tenues avec les détenteurs actuels des droits de retransmission. Les clubs craignent une baisse de la valeur du produit si la vente aux enchères pour la période 2022-2025 a lieu le mois prochain tel que prévu.  Une telle procédure doit toutefois être d’abord approuvée par le gouvernement anglais.

Mediapro paiera-t-il ce qu’il doit encore à la Ligue de football ? 

Mediapro doit encore 31,5 millions d’euros à la LFP sur les 100 millions de dédit promis en décembre 2020. Le remboursement semble pour autant compromis : Standard & Poors a dégradé la note de l’entreprise de deux crans à CCC-, juste au-dessus du défaut de paiement, et la trésorerie de la société ne s’élèverait qu’à 110 millions alors qu’elle a de multiples dettes qui arrivent à échéance. Pour éviter un non-remboursement, la LFP avait tenté de prendre des assurances via des « garanties de première demande » de 43,5 millions d’euros auprès de trois sociétés espagnoles, mais sans certitude qu’elles puissent lui payer cette somme.

Renouvellement des formats des compétitions sportives

Sprint Qualifying to debut at three Grands Prix in 2021 following unanimous agreement from teams 

La FIA a communiqué sur une nouvelle formule, le « sprint qualifying », qui sera testé lors de 3 grands prix durant la saison 2021. Ces weekends de course seront aménagés : la première séance d’essais aura lieu le vendredi, et sera suivi des qualifications au format actuel, mais ne déterminera la grille de départ que pour le sprint qualificatif du lendemain. Celui-ci prendra place après la seconde séance d’essais pour 100km et permettra de déterminer la grille de départ pour le Grand Prix.

La LFP veut faire voter la L1 à 18 clubs en juin

La LFP voudrait voter le passage de la Ligue 1 à 18 clubs dès l’assemblée générale de juin, pour une entrée en vigueur lors de la saison 2022-2023. Bien que repoussée par le passé, le contexte actuel pourrait conduire à l’adoption d’une telle réforme, car elle allègerait la saison et rendrait le championnat plus compétitif. Resterait alors à s’accorder sur le nombre de montées et descentes en Ligue 1, mais aussi sur le nombre de clubs en Ligue 2.

La zone grise

Approche pénale des événements du centre d’entraînement de l’OM

  • 29 avril 202129 avril 2021
  • par Marion Chapat

L’Olympique de Marseille fait partie des clubs emblématiques du championnat de football français. Régulièrement présent lors des grandes compétitions européennes, c’est également le premier club français à avoir remporté la ligue des Champions en 1993, face au Milan AC. Fondé en 1899, le club phocéen dénombre aujourd’hui à son palmarès pas moins de 9 titres de champions de France, 10 victoires en Coupe de France, 3 Coupes de la Ligue et une Coupe Intertoto, en sus de son titre européen. Fort de cette histoire, le club compte sur un public remarquable, les supporters étant très investis pour leur club, dans les périodes prospères comme les périodes plus délicates. Ce fut le cas en ce début d’année 2021, marqué par des manifestations de supporters au centre d’entraînement du club. Retour sur les faits à l’origine de ces événements et explications des conséquences juridiques subséquentes.

Les faits

Après une première partie de de saison en demi-teinte, des supporters ont décidé à la fin du mois de janvier de faire entendre leur mécontentement aux joueurs et aux dirigeants, notamment à Jacques-Henri EYRAUD, alors président du club depuis octobre 2016. Les raisons de cette colère sont multiples : les résultats sportifs tout d’abord, en début d’année le club se trouvait éloigné des objectifs européens affichés depuis plusieurs années au travers de l’OM Champions Project et se classait en milieu de tableau de la Ligue 1.  De plus, affirmer que les relations entre le président Jacques-Henri EYRAUD et les supporters étaient délicates aurait été un euphémisme. En effet, le dialogue était rompu entre les deux camps, une mauvaise gestion dans un contexte financier délicat pour le club étant notamment reprochée au dirigeant. Le point de rupture a été atteint lorsque le président a critiqué dans les médias la présence de nombreux collaborateurs marseillais dans l’organigramme du club.

C’est dans ce contexte que les supporters phocéens ont décidé de faire entendre leur colère. En ce 30 janvier 2021, des banderoles et drapeaux ont été déployés en début de journée, ce qui, de prime abord, n’avait rien de surprenant pour un club de l’envergure de l’Olympique de Marseille un jour de match à domicile. Ces éléments auraient pu demeurer anodins s’ils n’avaient pas précédé les événements qui ont suivi. Par la suite, les supporters se sont regroupés devant le centre d’entraînement Robert-Louis DREYFUS, allumant pétards et fumigènes. Certains ont ensuite réussi à pénétrer dans l’enceinte, jusque dans le bâtiment du groupe professionnel. Tentant d’amorcer un dialogue avec les supporters, le défenseur central olympien Alvaro GONZALEZ avait alors été touché par un projectile. Plusieurs arbres avaient été brûlés et d’importantes dégradations matérielles commises, estimées à plusieurs centaines de milliers d’euros par le club qui avait d’ailleurs déposé plainte dans la foulée. A la suite de ces événements, le match opposant l’Olympique de Marseille au Stade rennais le soir même au stade Vélodrome avait dû être reporté à une date ultérieure.

Suite à ces incidents à la Commanderie, 25 personnes ont été interpellées et 18 d’entres elles placées en garde à vue. Quatre supporters ont finalement été remis en liberté, tandis que 14 autres ont été déférés selon la procédure de comparution immédiate, à l’issue de laquelle un renvoi à une audience ultérieure a été prononcé. Les 14 prévenus ont donc comparu devant la juridiction correctionnelle le 24 février 2021.

La comparution immédiate appliquée aux événements du centre d’entraînement de La Commanderie

Prévue par l’article 395 du Code de procédure pénale, la comparution immédiate permet au Procureur de la République de faire comparaître immédiatement une personne mise en cause devant la juridiction correctionnelle. Elle est possible tant en procédure de flagrance(1) qu’en enquête préliminaire(2). En flagrance, elle n’est toutefois possible que si les faits font encourir à leur auteur une peine d’au moins six mois d’emprisonnement et dans la mesure où le Procureur estime que les infractions en cause nécessitent de recourir à cette procédure.

Au cas présent, 14 supporters de l’Olympique de Marseille comparaissaient selon la procédure de l’article 395 du code de procédure pénale pour destruction volontaire d’un bien(3) et participation à un groupement en vue de dégradations(4). Ces infractions font respectivement encourir à leur auteur 2 ans d’emprisonnement et 30.000€ d’amende, pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75.000€ d’amende(5) pour l’infraction de destruction volontaire d’un bien et un an d’emprisonnement et 15.000€ d’amende pour la participation à un groupement en vue de dégradations. Les supporters interpellés l’ont été en raison de leur présence sur les lieux de l’infraction et de leur participation supposée à celle-ci ; le recours à la comparution immédiate se trouvant ainsi légalement justifié.

Le renvoi de l’audience correctionnelle

Toutefois, l’audience correctionnelle de jugement ne s’est tenue que le 24 février 2021, soit une quinzaine de jours suivant leur déferrement en comparution immédiate. La justification de cette « audience différée » est fournie par l’article 397-1 du code de procédure pénale. En effet, lors de la présentation d’une personne mise en cause selon la procédure de comparution immédiate, le consentement du prévenu à être jugé séance tenant est nécessaire. Dans l’hypothèse où ce dernier n’y consentirait pas, ou si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal correctionnel renvoie l’audience à une date ultérieure qui ne peut être ni inférieure à deux semaines, ni supérieure à six semaines.

Au cas présent, la majorité des prévenus a demandé un report de l’audience lors de la présentation en comparution immédiate, lequel a été accordé par la présidente, estimant préférable que tous les supporters mis en cause soient jugés en même temps. Notons que cette demande de renvoi à une date ultérieure peut se justifier pour le prévenu par la nécessité de préparer au mieux sa défense avec son avocat.

En attendant le jugement : le placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire

Une fois ce renvoi prononcé, deux cas de figure se présentent pour le prévenu : il peut être placé sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire jusqu’au moment de l’audience de jugement(6).

Au cas présent, c’est ainsi qu’à la suite du mandat de dépôt requis par le Procureur de la République de Marseille, estimant qu’il existait un risque élevé de réitération des faits, huit supporters ont été placés en détention provisoire dans l’attente de leur jugement. Pour six autres, un placement sous contrôle judiciaire a été prononcé, lequel était assorti de plusieurs interdictions comme celle de venir dans la cité phocéenne, celle de manifester, ainsi qu’une obligation de pointage régulier dans un commissariat ou une gendarmerie.

L’audience correctionnelle du 24 février 2021

L’audience de jugement à laquelle comparaissaient les 14 supporters interpellés s’est tenue le 30 janvier 2021. Lors de celle-ci, le Procureur de la République a requis des peines de huit mois de prison avec sursis à l’encontre de 13 supporters et une peine de 4 mois d’emprisonnement ferme non assortie d’un mandat de dépôt à l’encontre d’un autre. Ces réquisitions ont été partiellement suivies puisque le Tribunal correctionnel de Marseille a prononcé onze peines d’emprisonnement avec sursis, deux relaxes et une peine d’emprisonnement ferme d’une durée de 3 mois. Dans ce dernier cas, précisons que la juridiction n’ayant pas décerné de mandat de dépôt à l’encontre du supporter condamné et la peine prononcée étant inférieure à six mois, celle-ci est donc entièrement aménageable sauf en cas d’impossibilité qui résulterait de la situation ou de la personnalité de la personne condamnée(7).

En effet, depuis la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 entrée en vigueur le 24 mars 2020, pour toute peine correctionnelle prononcée d’une durée comprise entre un et six mois d’emprisonnement, le principe est celui de l’aménagement ab initio de celle-ci par la juridiction correctionnelle. En pratique, cela signifie que la peine est aménagée dès son prononcée, sans recourir au juge de l’application des peines. Cet aménagement peut prendre la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’un placement à l’extérieur ou d’une semi-liberté.

Dans quelle mesure un tel aménagement ab initio se justifie-t-il ?

Cet aménagement ab initio des peines d’emprisonnement ferme inférieures à six mois se comprend aisément au regard du principe de personnalité des peines, principe général du droit pénal posé par l’article 132-24 du Code pénal ayant d’ailleurs valeur constitutionnelle(8) et découlant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

La poursuite de l’enquête – Seconde audience correctionnelle

Le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Marseille concernant les 14 supporters interpellés lors des évènements du 30 janvier 2021 n’était toutefois pas le dernier chapitre pénal de cette affaire. L’enquête a été poursuivie et a mené à l’interpellation de cinq autres supporters le 10 février 2021. Également jugés en comparution immédiate, leur procès a été renvoyé au 22 mars 2021. Pour ces supporters, aucune détention provisoire n’a été prononcée, ces derniers ayant tous été laissés libres, sous contrôle judiciaire.

Le 22 mars 2021, l’audience correctionnelle s’est donc ouverte contre cinq leaders de groupes de supporters du club phocéen. Estimant qu’il existait plusieurs preuves d’une réunion organisée en vue de commettre des dégradations et violences (annonces sur les réseaux sociaux, heure de rassemblement, etc..) le tribunal a prononcé plusieurs peines correctionnelles.

En premier lieu, le trésorier du groupe de supporters « Marseille Trop Puissants » (MTP) a été condamné à une peine d’un an d’emprisonnement ferme. Cette peine ne sera toutefois pas exécutée en milieu carcéral mais sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique(9). Matériellement, cela consiste en la pose d’un bracelet électronique à la personne condamnée, qui s’engage à rester à domicile lors de certaines plages horaires définies par le juge et peut donc poursuivre l’exercice de son activité professionnelle et sa vie familiale.

Le vice-président des « South Winners » et le président du « CU 84 » ont écopé d’une peine de 9 mois d’emprisonnement, dont 5 mois avec sursis, mais ces derniers ne seront également pas emprisonnés, la peine étant ici également aménageable (cf supra sur les peines d’emprisonnement ferme inférieures ou égales à 6 mois).

L’un des dirigeants des « Winners » a écopé d’une peine d’emprisonnement de 10 mois intégralement assortie du sursis.

Enfin, l’ex-capo des Winners n’a pas été condamné et a fait l’objet d’une relaxe, ce qui peut signifier deux choses : soit que les preuves formelles de sa culpabilité n’ont pas été établies, soit que les poursuites dont il faisait l’objet ont été jugées infondées par le tribunal.

Sur la peine d’interdiction de stade

Un temps évoquée par les médias, la peine complémentaire d’interdiction de stade n’a été prononcée à l’encontre d’aucun des supporters jugés, ni même requise par le Procureur de la République.

Par définition, la peine d’interdiction de stade vise à prévenir ou sanctionner la violence dans les stades, lors des matchs de football. Cette sanction peut être administrative lorsqu’elle est prononcée par le Préfet ou judiciaire lorsqu’elle l’est par un tribunal. C’est une peine complémentaire venant s’ajouter à une amende ou un emprisonnement.

Dans cette affaire, cette sanction n’a pourtant pas été prononcée par le tribunal correctionnel à titre de peine complémentaire. Pour cause, la peine judiciaire ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’une personne condamnée pour des délits spécifiques tels que visés par les articles L.332-2 à L.332-10 du Code du sport(10).

Or, au cas présent, les conditions juridiques du prononcé d’une telle sanction n’étant pas réunies, les violences n’ayant eu lieu ni lors d’un match ou encore, ni dans un stade, il semble cohérent qu’aucun supporter n’ait écopé de cette sanction.

A la suite de la décision rendue par le Tribunal correctionnel de Marseille, les supporters condamnés disposaient de la possibilité de faire appel dans le délai de 10 jours à compter du prononcé du jugement(11), chose que le vice-président des South Winners de Marseille avait déclaré envisager de faire à l’issue du verdict. Enfin, après une situation compliquée persistante durant plusieurs semaines après les actes de La Commanderie, notamment marquées par la démission suivie finalement d’une mise à pied à titre conservatoire de l’ancien entraîneur André VILLAS-BOAS, les choses semblent aujourd’hui sur le chemin de l’apaisement. Pablo LONGORIA a en effet été nommé président du directoire de l’Olympique de Marseille, succédant à Jacques-Henri EYRAUD, Jorge SAMPAOLI est désormais l’entraîneur de l’effectif olympien qui a d’ailleurs retrouvé la sixième place du classement et peut donc à nouveau rêver à une compétition européenne.

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  1. Art. 53 à 74-2 C. proc. pén : l’enquête de flagrance permet aux enquêteurs d’agir rapidement face à la nécessité d’une réaction pénale rapide mettant fin au trouble causé à l’ordre public. Elle n’est possible que pour des crimes et délits, lesquels sont qualifiés de flagrants lorsqu’ils sont commis actuellement, viennent de se commettre ou lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit. Elle nécessite la réunion de deux critères pour justifier son ouverture : un critère d’apparence et un critère temporel. Elle confère des pouvoirs plus étendus aux enquêteurs
  2. Art. 75 à 78 C. proc. pén : l’enquête préliminaire est celle ouverte les critères de l’enquête de flagrance ne sont pas réunis et peut être décidée soit par le Procureur de la République, soit d’office.
  3. 322-1 C. pén
  4. 222-14-2 C.pén
  5. 322-3 C. pén
  6. 397-3 C. proc. pén
  7. 132-19 al. 3 C. pén, par renvoi à l’article 132-25 du même code et à l’art. 723-15 C. proc. pén.
  8. Depuis la décision n°2005-520 DC, Cons. Constit du 22 juillet 2005
  9. 132-25 al.2 C. pén
  10. Lesdits articles visent les infractions de violences commises à l’occasion d’un match, même en dehors du stade, d’introduction de boissons alcoolisées ou en d’entrée en état d’ivresse dans un stade, d’incitation à la haine ou à la violence et port d’insignes racistes lors d’un match, d’introduction et/ou utilisation de fumigènes, port d’arme ou jet d’objet pouvant servir d’arme (par renvoi à l’article 1325-5 du Code pénal) dans un stade, invasion du terrain ou enfin, participation à un groupe de supporters dissous par le Préfet.
  11. 498 C. proc. Pén
  12. Crédit photo : footbal365.fr / Antoine CLERAT – OM c’était le chaos à la Commanderie – 30/01/2021

 

La Veille

La veille de la Transversale #11

  • 26 avril 202114 juin 2021
  • par Ornella Polito

Chaque semaine, la Transversale vous donne accès à un éclairage scientifique de l’actualité sportive, en recensant les derniers articles publiés.

La Super League :  de sa naissance à l’abandon du projet et ses conséquences.

Quels leviers pour empêcher la création d’une Super League de football européen ?

L’annonce de la création d’une Super League par 12 clubs de football parmi les plus puissants d’Europe n’a pas fait que des heureux. Pour lutter contre la Super League, l’UEFA et les fédérations avaient envisagé (i) d’interdire l’inscription de ces clubs dans leur championnat national respectif et (ii) d’exclure les joueurs participant à la Super League des compétitions internationales. Ces sanctions ont néanmoins soulevé des questions juridiques importantes.

Football, Super League & Private Equity

La Super League s’apparentait à un BIMBO (Buy-In Management Buy-Out) à effet de levier avec des spécificités .JP Morgan a créé une société (une coquille vide appelée NewCo). Dans un MBO standard, les dirigeants d’une société existante sont nommés à la direction de NewCo. Ici, les dirigeants des entreprises se sont engagés à (i) faire partie de la direction de NewCo, (ii) rester à la tête de leur entreprise existante, et (iii) fournir des biens de leur entreprise actuelle à NewCo. 

La Super League Européenne : Décryptage

Si la naissance de la Super League était éprise d’une envie de révolutionner le football, elle semble finalement illustrer la conquête des marchés américains et chinois couplée avec l’adéquation à la nouvelle consommation du football des nouvelles générations, basée sur les résumés de matchs et la retransmission des  « grosses » affiches. Suite aux nombreuses oppositions à la Super League émanant des supporters et des joueurs, le projet est suspendu 48 heures après son annonce.

La « Super League » : est-elle conforme au droit européen de la concurrence ?

La légalité de la création de la Super League a pu interpeller au regard du droit de la concurrence, car elle impliquait pour les clubs fondateurs, considérés comme des entreprises, de conclure un accord restrictif de concurrence à l’égard des autres clubs non invités dans cette compétition privée. D’autre part, les sévères sanctions annoncées par l’UEFA ont également interpellé, dans la mesure où elles pouvaient être considérées comme disproportionnées au regard des objectifs poursuivis.

La Juventus de Turin s’effondre en bourse face au probable abandon du projet de Super League

Après le départ des clubs anglais du projet de Super League, les conséquences boursières se sont faites très rapidement ressentir du côté de la Juventus de Turin. Coté à Milan, le titre du club avait bondi de plus de 17% à la perspective de revenus plus importants générés par la Super League, mais efface la totalité de ses gains avec une rechute de 11,7% à 77,1 centimes d’euro au lendemain d’un repli de 4,6%, alors que la fronde mondiale semblait laisser peu de chances au projet d’aboutir.

JPMorgan Chase a marqué un but contre son camp en Super League

Comment une banque aussi renommée a-t-elle cherché à réorganiser le jeu le plus populaire d’Europe sans égard pour les opinions de ses dirigeants, joueurs et supporters ? Alors que le PDG de la banque insiste sur l’alignement de ses valeurs avec celles des « communautés » dans lesquelles elle opère à travers le monde, la nouvelle ligue a été conçue sans égards pour ces communautés, dans le but de garantir aux riches propriétaires une part encore plus importante des revenus des droits de diffusion.

Après le fiasco de la Super Ligue, Londres met le football anglais sous pression

En participant au projet de Super League, les propriétaires anglais des clubs concernés se sont mis à dos leurs supporters et la classe politique. En s’inspirant du modèle allemand, le gouvernement britannique souhaite riposter en réformant l’organisation du football par un système où les propriétaires n’ont pas le droit de posséder plus de 49 % du capital d’un club, et où le solde de 51 % des droits de vote doit rester sous le contrôle de l’association du club.

Interdictions aux Jeux Olympiques

JO 2021 : Le CIO interdira aux athlètes de protester politiquement sur les podiums

Le CIO a annoncé que les athlètes auront interdiction de protester sur les podiums et les terrains de sport des Jeux olympiques de Tokyo et des Jeux d’hiver de Pékin, en vertu des recommandations de la commission des athlètes. Cette question des protestations sera susceptible de refaire surface en 2022 puisque la Chine, qui accueillera les Jeux d’hiver à Pékin en février prochain, fait face à des appels au boycott en raison de la répression des Ouïghours et de la restriction des libertés à Hong Kong.

La décision du Comex concernant Benoît Paire

Le Comex a pris la décision d’écarter Benoît Paire d’une sélection aux Jeux de Tokyo en raison de ses comportements inadaptés, répétitifs et antisportifs. Par une attitude et des propos contraires à l’éthique du sport et aux valeurs du tennis, le Comex a donc estimé que le joueur n’était pas en mesure de répondre aux exigences d’une participation aux Jeux Olympiques et Paralympiques.

Les sociétés sportives en mutation

Cinq minutes pour comprendre la crise sans précédent aux Girondins de Bordeaux

À cinq journées de la fin de la Ligue 1, King Street, le fonds d’investissement américain propriétaire des Girondins de Bordeaux, a annoncé arrêter de financer le club.  Si Bordeaux déposait le bilan avant la fin du championnat, il serait relégué en division inférieure et tous les points obtenus par les autres clubs contre les Girondins s’évaporeraient. Un scénario qui aurait un fort impact sur le classement du championnat.

Les cryptomonnaies dans le sport : investissements massifs & redéfinition du « fan engagement »

Début avril, un accord est passé entre le Southampton FC et Coingaming Group. Il offrira la possibilité d’octroyer aux joueurs des bonus de performance en fin de saison sous forme de Bitcoin. Certains clubs comme le PSG ou la Juventus se sont saisis du concept des tokens, dérivés des cryptomonnaies, pour développer les Fan Tokens. Ces « jetons » détenus par les fans fonctionnent comme une monnaie et leur permettent d’utiliser ces tokens contre des avantages.

La SCIC, un modèle vertueux et intermédiaire pour les clubs ?

Tours FC va prochainement se transformer en Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Contrairement à la Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP), la SCIC a l’avantage d’acquérir un statut juridique économique mais à but altruiste. La gouvernance est partagée démocratiquement et autorise l’entrée de personnes de l’extérieur, y compris les supporters. En revanche, ce statut démocratique n’est pas attractif pour les investisseurs et contraint le développement du club.

La zone grise

Le Réal et le Barça ont bénéficié d’aides illégales…

  • 23 avril 202127 avril 2021
  • par Ornella Polito

Antécédents du litige

L’article 19 paragraphe 1 de la loi espagnole 10/1990 sur le sport du 15 octobre 1990 a obligé tous les clubs sportifs professionnels espagnols à se transformer en sociétés anonymes sportives (ci-après les “SAS”). L’objectif de cette loi était d’encourager une gestion plus responsable de l’activité des clubs en adaptant leur forme juridique.  Cette loi prévoyait cependant une exception s’agissant des clubs sportifs professionnels ayant réalisé un résultat positif lors des exercices précédant l’adoption de la loi. Le Fútbol Club Barcelona (ci-après « FC Barcelone »), ainsi que trois autres clubs de football professionnel entraient dans le champ de l’exception posée par la loi 10/1990. Ces quatre entités avaient donc l’option, qu’elles ont exercée, de continuer à opérer sous la forme de clubs sportifs. Cette option avait une incidence fiscale puisque les clubs sportifs, personnes morales sans but lucratif, bénéficiaient en effet en droit espagnol d’un taux préférentiel d’imposition, inférieur à celui des sociétés anonymes sportives.

Le Tribunal de l’UE avait, en première instance, annulé la décision de la Commission Européenne ordonnant la récupération de l’avantage fiscal consenti par le Royaume d’Espagne à certains clubs de football[1].

Selon le Tribunal, la décision de la Commission encourait l’annulation au motif que, au titre de l’identification d’un avantage sélectif, la Commission avait omis de mettre en balance (i) le taux préférentiel d’imposition des clubs sportifs et (ii) le plafonnement plus avantageux des déductions fiscales accordées aux sociétés anonymes sportives. Plus précisément, la Commission n’avait pas « appréci[é] globalement le régime d’aides en cause en tenant compte des conséquences à la fois favorables et défavorables de ce régime pour ses bénéficiaires » (Trib. UE, 26 févr. 2019, aff. T-865/16, Futbol Club Barcelona, pt 38). L’identification d’un avantage en ressortait dès lors biaisée. La Commission ne pouvait ainsi conclure, selon le Tribunal, à l’octroi d’un avantage sélectif sans vérifier, au niveau des clubs sportifs, l’éventuelle neutralisation du taux préférentiel d’imposition par le plafonnement moins avantageux des déductions fiscales.

À l’appui de son pourvoi devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « la Cour » ou « la CJUE »), la Commission soulève un moyen unique, tiré de la violation par le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qui concerne, d’une part, la notion d’« avantage » susceptible de constituer une « aide d’État », au sens de cette disposition. D’autre part, la Commission remet en question l’interprétation du Tribunal de l’UE concernant l’obligation de diligence incombant à la Commission dans le cadre de l’examen de l’existence d’une aide et la charge de la preuve de l’existence d’un avantage qui lui incombe.

Arrêt de la CJUE

A titre liminaire, la Cour nous rappelle les formes que peut prendre un avantage au sens de l’article 107 §1 du TFUE. La notion d’aide d’Etat étant plus large que celle de subvention, elle inclut, comme en l’espèce, des mesures qui allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise[2]. La Commission a par exemple autorisé, conformément aux règles européennes en matière d’aides d’état, un régime d’aide français d’un montant de 120 millions d’euros destiné à indemniser partiellement les clubs sportifs pour le préjudice lié à la pandémie de Covid-19[3].

L’affaire en cause a permis à la Cour, qui a pour l’essentiel suivi les conclusions de son avocat général, de clarifier le type d’analyse que la Commission doit effectuer et les éléments à prendre en compte pour déterminer l’existence d’un avantage au titre de l’article 107§1 TFUE, en l’espèce dans le cas de régimes fiscaux dérogatoires qui prévoient un taux d’imposition préférentiel

Cette décision nous donne l’occasion de différencier un régime général d’aides d’une mesure individuelle favorable. Il ressort du moyen un argumentaire classique, que l’on retrouve d’ailleurs en droit administratif français[4], : « En effet, même s’il est possible, en l’espèce, d’identifier les bénéficiaires du régime d’aides examiné, la mesure litigieuse consisterait en un dispositif au titre duquel une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou à plusieurs entreprises, pour une période ou pour un montant indéterminés, au sens de cette disposition ». En effet, la mesure ne concerne pas des clubs nommément désignés mais bien des clubs qui ont réalisé un résultat positif lors des exercices précédant l’adoption de la loi octroyant l’avantage. C’est finalement cette visée générale et abstraite qui permet de caractériser une mesure générale et non pas individuelle. La frontière entre mesure individuelle et mesure d’exécution d’un régime général est donc posée.

La mesure générale posée, le raisonnement du Tribunal vacille.

D’abord, le Tribunal ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir démontré l’existence d’aides individuelles. En effet, dans le cas d’un régime d’aides, il convient de distinguer l’adoption de ce régime des aides accordées sur la base de celui-ci. A cet égard, il est de jurisprudence constante que des mesures individuelles qui se bornent à mettre en œuvre un régime d’aides constituent de simple mesures d’exécution du régime général[5]. La démonstration d’une mesure générale est donc suffisante et le fait de viser les aides « individualisées » dans son dispositif n’impose pas une charge probatoire supplémentaire à la Commission. Afin de déterminer l’existence d’un avantage au sens de l’article 101§1 TFUE, la Commission doit donc exclusivement examiner le régime d’aides et non les aides individuelles accordées sur la base de ce régime.

Ensuite, sur la question de savoir à quel moment doit s’apprécier l’octroi d’un avantage, la CJUE argumente en faveur d’une appréciation ex ante pour déterminer si le régime en cause était susceptible d’accorder un avantage. En retenant l’existence d’une mesure individuelle, le Tribunal avait procédé à une analyse ex post, en tenant compte des effets réels de la mesure et donc des éventuelles contreparties financières venant inverser la balance[6]. Comme le rappelle très justement la Commission, reprise dans son argumentation par la Cour, si le régime d’aide octroyé est intégralement compensé par des désavantages, il ne sera pas nécessaire d’effectuer une récupération auprès du bénéficiaire concerné. En somme, le Tribunal a confondu conditions de détermination d’un avantage et conditions tenant à sa récupération[7].

En l’espèce, la CJUE considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en faisant grief à la Commission de ne pas avoir mis en balance (i) le taux préférentiel d’imposition des clubs sportifs et (ii) le plafonnement plus avantageux des déductions fiscales accordées aux sociétés anonymes sportives. Selon le Tribunal, la Commission ne pouvait pas conclure à l’octroi d’un avantage sélectif sans vérifier, au niveau des clubs sportifs, l’éventuelle neutralisation du taux préférentiel d’imposition par le plafonnement moins avantageux des déductions fiscales. Il est important de noter que l’incidence de la déduction sur le taux d’imposition est uniquement susceptible de se matérialiser au terme de chacun des exercices fiscaux ultérieurs.

Ainsi, la question de savoir si le régime en question procure un avantage à ses bénéficiaires ne saurait donc dépendre de la situation financière de ces derniers au moment de l’octroi ultérieur de ces aides, mais doit nécessairement être appréciée en se plaçant au moment de l’adoption du régime en question, en procédant à une analyse ex ante (pt. 86).

Par conséquent, lorsqu’un régime fiscal d’aides s’applique, comme c’est le cas en espèce, sur une base annuelle ou périodique, la Commission est simplement tenue de prouver que ce régime d’aides est de nature à favoriser ses bénéficiaires. La Commission doit donc uniquement vérifier que le régime d’aides, pris dans sa globalité, est susceptible de conduire, au moment de son adoption, à une imposition moindre (et donc plus favorable) par rapport à l’imposition qui résulte de l’application du régime d’imposition général.

La Cour en a ainsi conclu que le régime d’aides en cause procurait à ses bénéficiaires un avantage relevant de l’article 107, § 1, TFUE,.

De la même manière, l’impossibilité de déterminer un montant exact au moment de l’adoption d’un régime d’aides ne peut dispenser un Etat membre de notifier un tel régime au titre de l’article 108§3, TFUE. En rappelant le caractère essentiel de l’obligation de notification des aides d’Etat (pts. 90-92), la Cour relève que si l’on avait suivi le raisonnement du Tribunal, les États membres qui instauraient des régimes d’aides en violation de l’obligation de les notifier auraient été alors injustement favorisés par rapport à ceux qui s’y seraient conformés (pt. 93).

L’approche privilégiée par la Cour vise dont avant tout à préserver l’effet utile des règles de concurrence, notamment l’obligation de notifier tout mesure d’aide d’Etat avant sa mise en application. Il est vrai que si l’octroi d’un avantage dépendait des conséquences concrètes de la mesure d’aides sur ses bénéficiaires, cela reviendrait à privilégier les Etats membres qui ne notifieraient pas leur mesure d’aides, par rapport à ceux qui, en bons élèves, avertiraient la Commission avant de les mettre en œuvre. Cette solution, si elle préserve effectivement la mission de contrôle confiée à la Commission en matière d’aides d’Etat, aboutit néanmoins, lors de l’examen d’un régime fiscal comprenant à la fois des avantages et des désavantages, à tenir compte seulement des premiers lors de la qualification d’une aide d’État relevant de l’article 107§1 TFUE.

La CJUE annule donc l’arrêt du Tribunal et, utilisant son pouvoir d’évocation, statue également sur le litige qu’elle estime en état d’être jugé. A ce titre, elle rejette les quatre autres moyens invoqués en première instance, respectivement tirés d’erreurs que la Commission aurait commises lors de son examen de l’avantage conféré par la mesure en cause, de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que la Commission n’a pas considéré que la mesure litigieuse était justifiée par la logique interne du système fiscal en cause, ainsi que des règles applicables à la récupération d’une aide existante. En conséquence, la Cour rejette le recours introduit par le FC Barcelone. L’Espagne devra donc récupérer l’aide illégale accordée. Dans un contexte épidémique tendu, cela s’annonce financièrement compliqué pour les clubs concernés, dont le budget est déjà très durement affecté par la crise.

Par Ornella Polito et Charles-Henri Laval

[1] Voir notamment, arrêt Trib. UE, 26 févr. 2019, aff. T-865/16, Futbol Club Barcelona, pts 1 et 2

[2] Voir, notamment, arrêts du 16 juillet 2015, BVVG, C-39/14, EU:C:2015:470, point 26, et du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C-300/16 P, EU:C:2017:706, point 20.

[3] Voir notamment Commission européenne, aide d’État SA.59746(2020/N)

[4] « Ainsi entendue, il est vrai que la généralité de l’acte réglementaire implique presque toujours le caractère impersonnel de ses effets : ce type d’acte ne vise que des individus abstraitement définis. Ses sujets sont déterminés par référence à leur qualité et non à leur identité » Bertrand Seiller, Rep. Contentieux administratif, acte administratif : identification.

[5] Voir en ce sens, arrêt du 5 octobre 1994, Italie c/Commission, C-47/91.

[6] Nous soulignons cependant que cette analyse ne vaut que si on tient compte des éléments extrinsèques de la mesure. En effet, si la mesure elle-même prévoit ses compensations, par un processus intrinsèque, il faut en tenir compte non plus au stade de la récupération mais en amont, au stade de la définition de l’aide.

[7] Voir, notamment, arrêts du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, EU:C:2011:368, point 63 ; du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C-630/11 P à C-633/11 P, EU:C:2013:387, point 114, ainsi que du 29 juillet 2019, Azienda Napoletana Mobilità, C-659/17, EU:C:2019:633, point 27

La Veille

La veille de la Transversale #10

  • 19 avril 202126 avril 2021
  • par Justine Le Gall

Chaque semaine, la Transversale vous donne accès à un éclairage scientifique de l’actualité sportive, en recensant les derniers articles publiés.

Bouleversements d’ampleur dans le football européen

Crise au sommet : la Super Ligue quasi-officielle, les participants « bannis » des autres compétitions

Officiel : 12 clubs européens annoncent la création de la Super Ligue

Annoncée par le New York Times puis confirmée officiellement, la création d’une Super Ligue composée pour le moment de douze grands clubs (italiens, espagnols et anglais) agite le football européen. L’UEFA a déjà annoncé que ces clubs seraient bannis des autres compétitions. D’anciens joueurs critiquent ce reniement de l’histoire du football pour la recherche de davantage de profits. En France, l’Elysée a apporté son soutien aux compétitions fédérales contre un tel projet de ligue fermée.

L’UEFA veut remodeler son fair-play financier ? Oui, mais comment ? 

En raison de la pandémie du COVID-19, l’UEFA n’a d’autre choix que d’assouplir son règlement. Deux solutions ont été envisagées. Le salary cap d’abord, mais qui parait compliqué aux yeux de certains économistes. Les charges diffèrent en fonction des pays, et la régulation du marché des transferts risque de bouleverser l’économie du football. Faire évoluer le fair-play financier tout en le conservant n’est pas si évident. Constituer des fonds de réserve serait sinon une autre solution.

Les joueurs de football reprennent le pouvoir

Droits à l’image des footballeurs, la face cachée d’un El Dorado 

Les droits à l’image des footballers constituent un privilège financier considérable, mais qui en bénéficie vraiment ? Si chaque joueur doit donner son consentement à l’exploitation de son image, l’UNFP s’approprie ce droit exclusif, et les enseignes de jeux vidéos ou Panani ne font pas l’objet d’un contrat de cession du droit à l’image. Une possible action en justice des joueurs pourrait remettre en cause ce fonctionnement.

Manchester City : Sterling va devenir son propre agent

Le joueur de football Raheem Sterling va monter sa propre agence afin de se représenter lui-même. L’exemple de Kevin de Bruyne, qui avait mené les négociations lui-même pour le renouvellement de son contrat, a sûrement influencé Sterling. Il serait même en discussion avec d’autres joueurs pour pouvoir à terme les représenter. Sterling souhaite s’impliquer à l’issue de sa carrière et « sa société serait une première pierre ».

L’intelligence artificielle débarque en F1

Reb Bull passe à la vitesse supérieure avec l’IA 

De plus en plus, les écuries de F1 s’appuient sur les ordinateurs pour déchiffrer les téraflops de données qu’elles accumulent chaque week-end. Mais avec un plafond budgétaire de 145 millions de dollars, être plus efficace dans le traitement de ces données est nécessaire. Ainsi, le contrat de sponsoring conclu entre Red Bull et Oracle permet de démocratiser l’utilisation de l’IA et de l’apprentissage automatique en Formule 1. Cette IA pourrait donner l’avantage à Red Bull en course comme dans l’écurie.

La lutte continue contre le match fixing

Suède : Ibrahimovic risquerait trois ans de suspension 

Zlatan Ibrahomivic est copropriétaire d’un site de paris sportifs qui proposerait de parier sur les matchs de la sélection suédoise, alors qu’il a repris sa carrière internationale avec la Suède lors des matchs éliminatoires à la Coupe du monde 2022. En étant actionnaire de son site, il peut donc parier sur des matchs de la sélection suédoise auxquels il prend part et peut fausser. En cas d’infraction avérée au code éthique de la FIFA, Zlatan pourrait risquer gros.

L’impact du Ramadan sur les footballeurs professionnels

Le ramadan et la pratique du football de haut niveau 

Chaque année, les musulmans jeûnent durant le mois du ramadan et ceux joueurs de football de haut niveau doivent être capable de concilier les deux. Ce mois tombe lors de compétitions importantes, mettant le corps de ces athlètes à rude épreuve. Certains clubs incitent les joueurs à ne pas jeûner afin qu’ils soient à 100% de leur capacité. Néanmoins, de nombreux joueurs joueurs prennent ce risque, et réalisent parfois des exploits.

Et aussi :

Paris dans le top 10 des clubs de football les plus valorisés 

Le PSG fait partie des dix clubs de football de plus fortes valeurs selon le classement Forbes. Le club gagne deux places en voyant sa valorisation augmenter de 1,4 milliard de dollars. Ce dynamisme peut s’expliquer par la capacité de ce club à faire « croitre et à diversifier ses revenus de manière innovante ». Une croissance qui pourrait continuer dans les années à venir.

A J-100 des Jeux de Tokyo, la vaccination des sportifs français se fait pressante 

Au vu du délai très court avant les JO, l’idéal serait d’administrer aux sportifs sélectionnés en équipe de France un vaccin à dose unique. Cependant, le calendrier des vaccinations serait à revoir, en raison de la suspension aux États-Unis du vaccin Johnson & Johnson et du retard de son déploiement en Europe. L’essentiel reste la sécurité de tous les athlètes, ainsi que leur staff, par rapport au Covid-19, pour éviter un cluster en équipe de France.

La zone grise

Loi pour démocratiser le sport, de réelles avancées ?

  • 9 avril 202123 avril 2021
  • par Gwenaëlle Pot
L’Assemblée nationale a adopté le 19 mars 2021 la loi visant à démocratiser le sport en France. Cette loi est la traduction de l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2017, qui avait ainsi exprimé son souhait que la France devienne une nation de sport, et ce à l’horizon des jeux olympiques de 2024 à Paris. Pour autant, la proposition de loi permettra-t-elle d’atteindre cet objectif ?

Cette loi a été à l’origine portée par la première ministre des Sports du quinquennat, Laura Flessel, et portait le nom de loi « Sport et société ». Pourtant, elle a finalement été adoptée par l’Assemblée nationale sous le nom de « Loi visant à démocratiser le sport », l’idée de société ayant entre-temps disparu. La ministre des Sports Roxana Maracineanu se veut cependant pragmatique et se félicite qu’une loi relative au sport ait pu être discutée malgré un agenda parlementaire surchargé par les questions liées à la pandémie de Covid-19.

D’ailleurs, l’adoption de ce texte s’est faite dans des formes assez remarquées. Il faut noter que cette loi n’a pas été portée par le gouvernement mais par 3 députés de la majorité, témoignage d’un texte dont les avancées seront sûrement moindres que s’il avait été l’objet d’une grande réforme promue par l’exécutif lui-même. Cette proposition de loi a aussi été examinée de façon hachée, sur trois jours distincts. Cet étalement a fait l’objet d’un grand nombre de critiques de l’opposition, mettant en cause la réelle importance de cette loi aux yeux du gouvernement. Enfin, cette proposition de loi fait l’objet d’une procédure accélérée permettant d’abréger la discussion parlementaire : la loi sera ainsi adoptée à l’issue d’une seule lecture par les chambres du Parlement.

La proposition porte sur 3 aspects différents sur lesquels nous reviendrons successivement : le développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre (I), le renouvellement du cadre de la gouvernance des instances sportives ainsi que de leur représentation (II), et le modèle économique sportif (III).

Le développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre

Depuis le remaniement de juillet 2020, ministère des Sports et ministère de l’Éducation sont réunis, en vue d’appuyer l’importance du sport dans l’éducation. Cette union repose donc sur la volonté de créer des alliances éducatives autour du sport et de l’école, puisque d’après le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, « l’idéal républicain de liberté, égalité et fraternité peut se réaliser avec les valeurs du sport. »

Le premier titre de loi vise dès lors à construire une société plus inclusive par le sport en permettant d’élargir sa pratique à tous : aux personnes en situation de handicap, aux personnes âgées, ainsi qu’aux personnes malades. L’article 1er de la loi consacre la portée préventive de l’exercice sportif afin de réduire les maladies : les médecins doivent encourager la pratique d’une activité physique à leurs patients et la prescription du sport santé est élargie aux patients présentant des facteurs de risque ou atteints d’une maladie chronique. Cette ouverture inclut aussi les patients souffrant de maladies mentales.

La volonté d’une loi plus inclusive par le sport passe ici par l’assurance du droit de tous à un égal accès au sport sans aucune discrimination « fondée sur le sexe, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, l’appartenance, vraie ou supposée, à une nation ou à une ethnie, la religion, la langue, la condition sociale, les opinions politiques ou philosophiques ou tout autre statut. »[1]

L’idée de cette proposition de loi est aussi de renforcer l’ancrage territorial de la pratique sportive : ouvrir davantage le système scolaire afin de mieux partager les équipements sportifs des établissements de premier et second cycle. Il faut que les équipements des établissements scolaires soient mis à la disposition de tous, particuliers comme clubs, pour en garantir un égal accès. Cette ouverture devrait servir prioritairement la pratique sportive féminine. La mise en place de plan sportifs locaux rentre aussi dans cette optique : associer toutes les parties afin de permettre l’égal accès au sport pour toutes et tous ; l’objectif étant de promouvoir l’intégration sociale et économique au travers du sport. Le premier titre envisage aussi la promotion du sport pour les personnes en situation de handicap : faire savoir au plus grand nombre que pratiquer une activité sportive en situation de handicap est possible, et quelles en sont les modalités.

Néanmoins, il paraît regrettable que la loi n’envisage pas une réelle démocratisation de la pratique sportive pour le plus grand nombre, notamment pour ceux dont les ressources financières sont les plus faibles. Aucune disposition n’est par exemple ici prise afin de faciliter l’accès au sport au public ne disposant pas des ressources nécessaires pour financer l’achat d’équipement sportifs.

Le renouvellement du cadre de la gouvernance des instances sportives ainsi que de leur représentation

D’après le rapporteur Pierre-Alain Raphan, la démocratie est l’art pour les gouvernés de choisir leurs gouvernants, de sorte que chaque système démocratique, même sportif, doit tout mettre en œuvre pour donner les clés de lecture du système avec plus de transparence. Cet idéal doit être partagé par tous : de l’élection des députés aux présidents des fédérations, instances déconcentrées, ou ligues professionnelles.

Pour atteindre cet objectif, la loi visant à démocratiser le sport modifie les modalités d’élection des représentants des instances sportives en donnant plus de voix aux clubs. Jusqu’alors, c’était par un système de grands électeurs qu’étaient élus les présidents de fédérations, via des délégués régionaux, départementaux et territoriaux désignés par les clubs sportifs. Désormais, le président de la fédération sera élu par une assemblée générale « composée de chaque association affiliée à la fédération » et verra son exercice limité à 3 mandats.

Cet article 6 entend aussi donner plus d’importances aux sportifs de haut niveau avec, au sein de chaque comité directeur de fédération, deux représentants des sportifs de haut niveau de chaque sexe.

C’est là aussi que l’on retrouve la grande nouveauté de cette loi : elle instaure la stricte parité dans les comités directeur ainsi qu’au bureau du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF). L’idée étant que chaque organe de décision doit ressembler à la population française, c’est une représentation dite « miroir » qui a été choisie.

Toutes ces décisions reprennent ici les observations de la Cour des Comptes qui, dans son rapport annuel de 2018[2], avait fortement dénoncé la manière dont étaient tenues les élections dans les fédérations sportives. L’institution avait ainsi porté un regard très critique, parlant d’une « démocratie sportive indirecte et diluée » avec des clubs « rarement appelés à l’élection des instances dirigeantes » et « un pouvoir éloigné de la base des bénévoles ». Elle signalait également l’inertie de la gouvernance associative, due à l’absence de limitations de mandats.

Toutefois, même si ces réformes vont vers une amélioration souhaitable de la gouvernance sportive, il est très regrettable qu’elles ne soient pas de suite mises en place. En effet, la majorité des mandats des présidents de fédérations se terminant au plus tard le 31 avril 2021, ces réformes ne seront applicables qu’à partir de 2024, donc pas avant les Jeux Olympiques de Paris.

Dans une logique de transparence, engagement de campagne du candidat Macron, l’obligation de déclarer sa situation patrimoniale et d’effectuer une déclaration d’intérêts est étendue aux dirigeants de fédérations au niveau régional, qui seront soumis au contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

L’article 8 de la loi étend en outre aux arbitres, juges, titulaires du diplôme de surveillance des baignades d’accès payant et à toutes les personnes intervenant auprès des mineurs dans les établissements physiques et sportifs le contrôle d’honorabilité défini à l’article L. 212-9 du code du sport. Il prévoit que « nul ne peut exercer des fonctions d’enseignement, d’animation, d’entraînement ou d’encadrement d’activités physiques et sportives, qu’il soit rémunéré ou bénévole, s’il a fait l’objet d’une condamnation pour crime ou pour un délit de type violence, agression sexuelle, trafic de stupéfiant, risques causés à autrui, proxénétisme, mise en péril de mineurs, usage de stupéfiants ou incitation à leur usage, dopage et fraude fiscale. »

Ce contrôle vise à protéger les pratiquants, notamment mineurs, contre les dangers pour leur santé et sécurité physique ou morale. Cette modification est ici une réaction évidente face aux risques que de récentes affaires, notamment dans le patinage artistique, avaient mis en lumière.

Le modèle économique sportif

Enfin, le troisième titre de la loi s’assigne comme objectif de permettre une politique sportive équilibrée entre compétitivité et solidarité. L’économie du sport en France représente 450 000 emplois pour un chiffre d’affaires annuel de 80 milliards d’euros, d’où un certain souci de pérenniser un modèle économique sportif gravement touché par la crise sanitaire.

L’article 9 de cette loi met en lumière la plateforme nationale contre la manipulation des compétitions sportives, en l’introduisant dans le code du sport. Celle-ci vise ainsi à « servir de centre de recueil, de collecte et de partage des informations et des documents utiles à la lutte contre la manipulation des compétitions sportives en procédant, le cas échéant, à leur transmission aux autorités compétentes et aux organisations sportives. »

L’article 10 porte lui sur le streaming illégal, sujet brûlant en matière de retransmission des compétitions sportives. Selon la HADOPI, c’est en effet 100 millions d’euros qui échappent chaque année au financement du sport amateur et professionnel à cause de cette pratique. L’idée est donc de créer une nouvelle procédure juridique dynamique permettant le blocage, retrait ou déréférencement des sites retransmettant illégalement une compétition sportive en direct. Dès lors, le titulaire des droits de diffusion est autorisé à « saisir le président du tribunal judiciaire qui statuera en référé ou selon la procédure accélérée au fond afin d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou faire cesser cette atteinte »[3]. L’ordonnance initiale du juge pourra servir de base au blocage des sites, même non identifiés dans le jugement. Logiquement, la procédure ne pourra viser que des sites retransmettant des compétitions expressément visées dans l’ordonnance et seulement pour la durée de l’évènement sportif. La HADOPI jouera le rôle de « tiers de confiance » entre les titulaires du droit et les défenseurs, chargé de juger du bien-fondé des demandes. Cette loi vient donc doter les agents de la HADOPI de pouvoirs d’enquête, nouveauté qui rentre dans le cadre de la fusion prévue entre le CSA et la HADOPI, dont l’objectif est précisément de lutter au mieux contre le piratage des compétitions sportives ou le streaming illégal.

D’après Cédric Roussel, l’article 10 bis permet d’attirer l’attention sur ce qu’il affirme être « le morcellement des compétitions sportives sur des chaînes privées payantes et une présence toujours plus réduite du sport en clair. » L’article de loi autorise ainsi la constitution d’une société commerciale par les ligues professionnelles pour la commercialisation et la gestion des droits d’exploitation audiovisuelle. Cela permettrait alors d’assurer que les droits soient gérés par une entité dédiée dont au minimum 80% du capital serait détenu par la ligue professionnelle. Le président de la LFP, Vincent Labrune, s’est d’ailleurs exprimé en faveur du projet et la ligue a d’ores et déjà modifié ses statuts pour y intégrer la possibilité de créer une société commerciale.

Signe d’une réforme bien réalisable, les clubs italiens de la Serie A ont approuvé en septembre 2020 la création d’une société commerciale pour la gestion des droits TV et par la suite validé l’offre de trois investisseurs privés pour s’inscrire dans le projet à hauteur de 10% du capital. En ce qui concerne la réforme française, un décret déterminera « les catégories de personnes physiques ne pouvant pas détenir de participation dans le capital de la société commerciale ».

Le dernier article ajoute la SCIC au type de société sportive expressément autorisé par la loi. Une Société Coopérative d’Intérêt Collectif est une coopérative de participation qui prend la forme d’une SA ou SARL à but non lucratif : elle a pour objectif de produire dans un intérêt collectif des biens ou des services ayant un caractère d’utilité sociale au profit d’un territoire ou d’un secteur d’activité.

Elle encourage ainsi la transition des clubs professionnels volontaires vers une économie sociale et solidaire rejoignant donc l’objectif d’une politique sportive équilibrée entre compétitivité et solidarité.

Une proposition qui ne fait déjà pas consensus

Lors de la première séance publique a été déposée une motion de rejet préalable par le groupe Socialistes et Apparentés, rejetée par la suite. Le député Régis Juanico pointait le manque d’ambition de la proposition. Si celle-ci avait été déposée il y a un an, elle aurait pu entrer en vigueur dès les nouveaux mandats des présidents de fédérations de cette année 2021. Les députés de l’opposition ont dès lors qualifié cette loi de « session de rattrapage » ou « d’occasion manquée », montrant le net décalage avec les attentes des acteurs sportifs. En effet, ces derniers mois, le mouvement sportif français a été confronté à des pertes de licenciés et des pertes financières : le déficit des recettes a été estimé à plus de 370 millions d’euros. Une enquête du CNOSF d’octobre 2020[4] a révélé la précarité de cette situation : 74% des clubs ont recensé une perte de 26% des licenciés en 2020.

Quant au Comité National Olympique et Sportif Français, il se sent incompris et pointe le fait qu’aucune mesure n’ait été prise pour accompagner et valoriser l’engagement des bénévoles. Lors d’un congrès exceptionnel en janvier 2021, les membres avaient fait des propositions supplémentaires qui n’ont, pour la plupart, pas été prises en compte [5]. L’obligation de créer une association sportive dans tous les établissements scolaires du premier degré, la création d’un véritable statut de « reconversion » pour les sportifs de haut-niveau en fin de carrière, ou encore la mise en place du remboursement du sport sur ordonnance par le régime général de la sécurité sociale pour l’ensemble des trente affections de longue durée pour lesquelles le sport peut être utilisé comme traitement non-médicamenteux, toutes ces propositions ont été ignorées.

Le texte adopté par l’Assemblée Nationale a été transmis à la Commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication du Sénat. Celle-ci pourra discuter du texte et proposer de nouveaux amendements qui iront peut-être dans le sens des recommandations du CNOSF. Cette étape passée, le texte de la Commission sera examiné en séance plénière avant d’être voté puis adopté, la procédure accélérée ici mise en place réduisant la navette parlementaire à une unique transmission du texte.

[1] Modification prévue de l’article L. 100-1 du code du sport

[2] Rapport annuel de la Cour des Comptes de 2018, Tome II, l’Etat et les mouvements sportifs.

[3] Article L. 333-10 du code du sport prévu par la proposition de loi.

[4] https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/actus/8374-fdrations-et-clubs-en-souffrance–les-rsultats-officiels-de-lenqute-du-mouvement-sportif.html

[5] https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/actus/8417-congrs-du-cnosf–les-propositions-du-mouvement-sportif-pour-la-loi-sur-le-sport.html

La Veille

La veille de la Transversale #8

  • 5 avril 20215 avril 2021
  • par Gwenaëlle Pot

Chaque semaine, la Transversale vous donne accès à un éclairage scientifique de l’actualité sportive, en recensant les derniers articles publiés. 

Le football au cœur d’enjeux diplomatiques

Mondial 2022 au Qatar : les Pays-Bas envoient à leur tour un message sur les droits humains

Après le scandale sur l’exploitation des ouvriers dans les chantiers de construction des stades pour la coupe du Monde 2022 au Qatar, les équipes nationales de football se mobilisent. Faisant suite aux protestations norvégiennes et allemandes, l’équipe nationale néerlandaise a manifesté son soutien aux travailleurs migrants en portant des tee-shirts noirs « Football supports CHANGE ». Reste à savoir si les fédérations envisageront des actions plus fortes, notamment via un boycott de la compétition. 

L’Espagne affronte le Kosovo, un Etat qu’elle ne reconnaît pas

L’Espagne fait partie des rares pays ne reconnaissant pas le Kosovo comme un Etat, ce dernier ayant décidé de son propre chef, en 2008, son indépendance de la Serbie. Si la fédération espagnole a dû se conformer aux visions de l’UEFA et de la FIFA – qui le reconnaissent comme un pays – en diffusant son hymne lors de la confrontation, la télévision publique espagnole ne parlait pas d’une rencontre entre deux États mais bien d’un match de football entre un pays et une fédération.

La science au service des performances sportives

Pourquoi la préparation mentale manque de considération dans le football

Le mental est considéré comme fondamental dans le football. Néanmoins, clubs et entraineurs se montrent réticents à faire appel à des préparateurs mentaux, en raison d’une méconnaissance de ce qu’est le mental mais aussi parce que ce métier n’est pas règlementé. Reste que ce facteur est très souvent mis en avant pour expliquer des contreperformances sportives, ce qui laisse espérer qu’une place prépondérante sera accordé aux professionnels du mental dans le futur.

Why Liverpool won’t win the Premier League this season

Si Liverpool ne gagnera la Premier League cette saison, c’est avant tout parce que les organismes des sportifs, soumis au plus haut niveau depuis 3 ans, risquent de ne plus tenir. Au centre de cela, un élément permettant l’amélioration des performances sportives : la caféine. Cette substance peut être considérée comme dopante, et sollicite beaucoup le système cardio-vasculaire des athlètes, qui ne pourraient alors enchainer le surdosage de caféine sans mettre leur santé en danger.

L’opposition de clubs et joueurs, freins aux innovations sportives

Les All Blacks s’opposent à l’arrivée d’un fonds d’investissement

Le fonds d’investissements américain Silver Lake est en passe d’entrer au capital de la fédération néo-zélandaise de rugby. Néanmoins, de nombreux joueurs s’y opposent, à commencer par le capitaine des All Blacks. La New Zealand Players Association menace d’exercer son droit de veto. Cette contestation repose sur la crainte que la diffusion de produits dérivés à l’échelle mondiale via l’acquisition de droits commerciaux constitue une « appropriation culturelle illicite » et marque une rupture avec le public néo-zélandais.

Réforme de la ligue des champions : les clubs historiques mettent des bâtons dans les roues de l’UEFA

Ce mercredi 30 mars 2021 devait être annoncée la nouvelle formule de la Ligue des Champions composé de 36 équipes. Mais il semblerait que ce système n’ait pas convenu à plusieurs « gros clubs », qui y ont opposé leur veto. Ils estiment notamment que les équipes participantes devraient toucher davantage que ce que prévoit pour le moment l’UEFA. L’instance se laisse jusqu’au 19 avril pour trouver un accord et faire alors l’annonce, tant attendue, du futur projet.

Nouveaux acteurs pour la retransmission de la Ligue 1

Droits TV : La ligue 1 va t-elle finir sur Amazon ou DAZN

Canal+ cherche toujours à ce que la LFP procède à un appel d’offres global, afin d’obtenir les droits de la Ligue 1 à un meilleur prix. Néanmoins, deux nouveaux acteurs pourraient entraver ce projet, DAZN et Amazon, qui viennent déjà d’acquérir respectivement les droits de la Série A et une partie des droits de la NFL. Pour autant, il semblerait étonnant qu’ils se lancent en plus dans l’acquisition des droits TV du foot professionnel français, pour lesquels la LFP attendrait environ 800 millions d’euros.

La zone grise

Droits TV : LFP 1, Canal Plus 0

  • 1 avril 20215 avril 2021
  • par Pierre-André Kikano
Le Tribunal de Commerce de Paris a rendu une décision en date du 11 mars 2021 dans le litige relatif aux droits TV opposant la Ligue de Football Professionnel (LFP) aux sociétés Canal Plus et Bein Sports. Les juges de première instance déboutent le tandem Canal-Bein et confirment que la LFP était en droit de ne remettre sur le marché qu’une partie des droits de diffusion de la ligue 1 et ligue 2.

Revenons rapidement sur les péripéties qui ont amené le diffuseur traditionnel du championnat français à intenter une action en justice contre la Ligue.

À l’issue d’un premier appel d’offres fin 2019 concernant les droits TV de ligue 1 et ligue 2 pour la période 2020-2024, les lots 1, 2, 4, 5 et 7 sont remportés par Mediapro, tandis que Bein Sports obtient le lot 3 qu’il va ensuite sous-licencier à Canal Plus pour la somme de 330 millions. Or, seulement quelques mois après le début de la saison 2020-2021, le diffuseur espagnol annonce être confronté à des difficultés financières, se retrouve ensuite en cessation de paiement et finit par conclure un accord de conciliation homologué le 22 décembre 2020, actant la résiliation des contrats portant sur les droits TV.

Canal Plus indique sans tarder qu’un tel accord remet en cause les conditions d’attribution du lot 3 et qu’il veillera à ce qu’une stricte égalité de traitement soit respectée entre Mediapro et lui-même. Par conséquent, le groupe annonce vouloir que le nouvel appel d’offre pour les lots anciennement détenus par Mediapro porte également sur ce lot 3, dont Canal bénéficie à travers la sous-licence contractée avec Bein.

La LFP refuse les demandes de Canal et procède finalement le 19 janvier 2021 à un appel d’offres portant seulement sur les lots 1, 2, 4 et 7. Celui-ci se révèle être un échec, le prix de réserve n’étant pas atteint. Mais après avoir contesté la validité de l’appel d’offres à travers courriers et communiqués, Canal Plus parvient tout de même à trouver un accord de gré à gré avec la LFP le 4 février 2021 pour l’exploitation des lots en question.

La conclusion de cet accord ne met néanmoins pas un terme au contentieux entre la LFP et Canal, ce dernier contestant toujours la validité de l’appel d’offre partiel devant le Tribunal de Commerce.

Analyse de la décision

Le Tribunal de commerce de Paris déboute Canal Plus et Bein Sports et donne raison à la LFP en validant l’organisation d’un appel d’offres ne concernant qu’une partie des lots. Les juges considèrent l’opération conforme avec (i) le droit commun des contrats, (ii) le droit du sport et (iii) le droit de la concurrence.

Conformation de l’indisponibilité du lot 3

Le tribunal confirme tout d’abord l’indisponibilité du lot 3 telle qu’invoquée par la LFP pour justifier l’absence d’inclusion dans le nouvel appel d’offres. Le raisonnement est simple : les droits du lot 3 font l’objet d’un contrat, régulièrement formé entre les parties et qui a force de loi entre ces dernières.

Dès lors, il s’agit simplement de l’application du principe de force obligatoire des contrats et aucun autre principe du droit des obligations ne justifierait la résolution du contrat entre la LFP et Bein. Le tribunal rejette d’ailleurs l’argument des demandeurs selon lequel l’indisponibilité du lot 3 ne serait pas juridique mais matérielle. Celui-ci faisant l’objet d’un contrat irrévocable par la seule volonté d’une partie, il est bien ici indisponible.

La décision peut être saluée en ce qu’elle garantit la sécurité juridique pour les cocontractants. Les contrats portant sur les lots sont conclus chacun indépendamment de l’autre. Dès lors, le fait qu’un contrat tombe ne doit pas entraîner la remise en cause de tous les autres. Une telle hypothèse fragiliserait grandement la situation des cocontractants, que ce soit la LFP ici, ou les diffuseurs dans d’autres cas. Cette décision favorise donc une certaine stabilité, particulièrement bienvenue en cette période de crise que traverse le football français, tout en étant également bénéfique pour l’avenir.

Conformité de l’appel d’offres partiel avec le droit du sport

Les demandeurs affirmaient que le Code du sport, notamment à travers son article R. 333-3[1], impose d’organiser un appel d’offres sur l’intégralité des lots concédés. Autrement dit, la LFP serait obligée de relancer un processus complet d’appel d’offres en cas de défaillance de l’un des bénéficiaires d’un lot.

Sans grande surprise, les juges rejettent cet argument en l’absence de démonstration de l’existence d’une telle règle. En effet, aucune disposition du Code ne va expressément dans ce sens et les éventuelles interprétations pour parvenir à ce résultat sont peu convaincantes. Il est simplement prévu que la commercialisation des droits TV doit être réalisée selon une procédure d’appel à candidatures publique et non discriminatoire et que ces droits doivent être offerts en plusieurs lots distincts. Les demandeurs mettent en avant que la pratique de la LFP, n’offrant pas tous les lots de la même manière, serait justement discriminatoire, mais en aucun cas le Code du sport ne vient régir l’hypothèse de défaillance d’un distributeur et les conditions de remise en jeu des lots déjà attribués.

Même en s’écartant d’une interprétation rigoureuse des textes et en s’aventurant dans une Interprétation téléologique, on comprend que les règles du droit du sport ont entendu simplement s’assurer que l’attribution des droits se fasse selon les principes édictés. Du moment que cette attribution se fait correctement, autrement dit de manière non discriminatoire, ce qui a été le cas ici et ce qui est largement souligné par la décision, les règles du droit du sport s’écartent pour laisser place aux règles de droit commun et de droit commercial applicables à ce type de contrat.

Conformité de l’appel d’offres partiel avec le droit de la concurrence

Enfin, et sans doute là où la décision se jouait vraiment, Canal Plus considérait que la présentation de l’appel d’offres sans le lot 3 constituait un abus de position dominante commis par la LFP, soit une des pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par les droits français et européen de la concurrence.

Pour rappel, au sens de l’article L. 420-2 du Code de commerce[2] et de l’article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne[3], deux éléments doivent être réunis pour constituer une telle pratique : (i) une position dominante et (ii) une exploitation abusive de cette position.

Concernant le premier élément de la position dominante, celle-ci a été définie par le Conseil de la Concurrence (devenu Autorité de la Concurrence) comme « la situation selon laquelle une entreprise est susceptible de s’abstraire des conditions du marché et d’agir à peu près librement sans tenir compte du comportement et de la réaction de ses concurrents ». C’est le cas de la LFP qui a un véritable pouvoir décisionnel sur la procédure de l’appel d’offres, et plus généralement sur les droits des championnats français, et qui n’a aucun concurrent en la matière.

Concernant l’exploitation abusive de cette condition, les demandeurs indiquaient que l’absence du lot 3 dans l’ensemble des droits objets de l’appel d’offre constituait une « condition de vente discriminatoire » au sens de L. 420-2 du Code de commerce et de l’art. 102 c) du TFUE. Autrement dit, la LFP appliquerait des conditions différentes aux candidats et créerait ainsi un désavantage pour Canal et Bein dans la concurrence.

Le tribunal rejette ce dernier argument en affirmant qu’aucun abus de position dominante n’a été commis.

Il commence par préciser que la vente n’a pas eu lieu en application de conditions discriminatoires entre les candidats. En effet, il relève d’une part que le fait pour un opérateur en position dominante (en l’espèce la LFP) de traiter différemment des acheteurs se trouvant dans des situations différentes n’est pas considéré comme une discrimination. A cet égard, le tribunal écarte ce grief en indiquant que ni BeIn Sports ni Canal Plus ne se trouvaient dans la même situation par rapport à l’appel à consultation de la LFP de janvier 2021. D’autre part, le tribunal constate que rien n’empêchait BeIn et Canal de réacquérir les lots qui ont été restitués par Mediapro. La position de la LFP n’a donc pas pour objet ou pour effet de les évincer d’un appel à consultation ou d’une consultation. C’est d’ailleurs ce que Canal Plus a fait puisque ce dernier a contracté avec la LFP en février 2021 pour acquérir les droits de diffusion de la fin de saison 2020-2021.

Le tribunal indique que la décision de ne pas remettre le lot en jeu n’a pas eu non plus pour effet de restreindre la concurrence, que ce soit sur le marché entre les diffuseurs ou le marché aval entre les clients des attributaires. L’effet restrictif sur la concurrence d’un abus de position dominante n’est donc pas observé.

Finalement, aucun des éléments de l’abus n’étant réuni, cette qualification est définitivement écartée par les juges du fond.

Une contradiction du côté des demandeurs

Si cela n’a pas nécessairement d’influence sur la solution, le tribunal ne manque pas de relever la position contradictoire des demandeurs.

En effet, comme le relève les juges, la sanction de l’abus de position dominante est la nullité de l’acte, soit ici de l’appel d’offres. Or, c’est directement parce que cet appel d’offres s’est révélé être un échec que Canal Plus a pu acheter de gré à gré les droits concernés. Le diffuseur invoque donc la nullité d’un acte dont il a finalement bénéficié. Le tribunal relève à ce titre que Canal a conclu « sans considérer que cet accord serait une violation du droit de la concurrence » et que Bein n’a pas résilié son contrat avec la LFP ni formulé une demande de résolution judiciaire de celui-ci.

A l’inverse, il est rappelé que la LFP ne trouve pas intérêt dans la résiliation du contrat dès lors « qu’elle a pour mission de valoriser, évidemment au mieux, les droits de diffusion des matches de Ligue 1 », soulignant ainsi une cohérence de sa position tout au long du dossier.

Plainte de Canal Plus devant l’Autorité de la Concurrence

En parallèle de l’assignation de la LFP devant le Tribunal de Commerce, Canal Plus a déposé une plainte devant l’Autorité de la Concurrence pour abus de position dominante de la LFP. L’affaire n’est donc pas encore terminée sur ce point. En effet, l’Autorité de la Concurrence, qui a le pouvoir de prononcer des sanctions, injonctions et mesures conservatoires, va vérifier à son tour le respect par la LFP du droit de la concurrence. Il reste donc à savoir si elle arrivera à la même conclusion que les juges du Tribunal de commerce de Paris.

Conséquences pratiques de la décision

Sous réserve d’une confirmation en appel et d’une décision de l’Autorité de la Concurrence favorable à la LFP, quelles sont les conséquences pratiques d’une telle solution ?

Dans un premier temps, indépendamment des valorisations qui seront faites pour les autres lots, la LFP sécurise la somme de 330 millions d’euros pour le lot 3, que Bein va devoir continuer à payer jusqu’en 2024. Donc, en théorie, la LFP s’assure une partie de revenus basée sur la valorisation élevée de la précédente attribution, ce qui est une bonne opération pour la Ligue compte tenu de la situation.

En pratique, Canal peut être amenée à en tenir compte dans le prix final de son offre pour les lots des prochaines saisons qui n’ont pas encore été réattribués après la défaillance de Mediapro. Autrement dit, Canal ferait une offre à un prix global moins élevé afin de tenir compte des 330 millions que la chaîne doit déjà régler à Bein pour la sous-licence du lot 3. Il y a néanmoins plusieurs limites à ce raisonnement. Premièrement, si Canal réajuste sa proposition pour les lots restants en fonction de la valorisation globale, l’offre sera certes moins élevée, mais le prix global restera inchangé (par ex. si Canal valorise l’ensemble des lots à 1 milliard, elle fera une offre à 670 millions pour les lots restants afin de tenir compte des 330 millions, la LFP recevant in fine le montant exact de la valorisation). De plus, si Canal ajuste un peu trop son offre à la baisse, ce sera l’occasion pour les concurrents de se placer sérieusement dans la course pour emporter l’appel d’offres. Le diffuseur devra donc sans doute s’aligner un minimum sur ce que proposera la concurrence pour augmenter ses chances de réussite.

Concernant les effets à long terme de la décision, celle-ci peut-elle entraîner une baisse générale des prix des offres pour les « petits » lots à l’occasion des futures procédures ? Le raisonnement serait le suivant : si un diffuseur sait par avance qu’il ne pourra pas renégocier son contrat en cas de défaillance d’un autre, il tiendra compte de ce risque en valorisant par avance à la baisse le lot qu’il souhaite obtenir. Cela paraît en réalité peu vraisemblable. Il serait en effet peu réaliste de penser que, d’une part, cet aspect est déterminant pour le prix et que, d’autre part, il était jusqu’ici inconnu des diffuseurs.

Les prochains candidats peuvent toutefois tenter de contractualiser la possibilité de rendre un lot en cas de défaillance d’un autre opérateur. On voit néanmoins mal la LFP accepter une telle condition qui n’est absolument pas en sa faveur et qui peut aggraver le risque systémique affectant l’économie du football français.

Finalement, si cette décision a fait couler beaucoup d’encre et si certains commentateurs imaginaient, de manière un peu hâtive, une issue différente, celle-ci semble cohérente aussi bien juridiquement que par ses conséquences pratiques et économiques.

 

 

[1] Article R333-3 du Code du sport : « La commercialisation par la ligue des droits mentionnés au premier alinéa de l’article R. 333-2 est réalisée selon une procédure d’appel à candidatures publique et non discriminatoire ouverte à tous les éditeurs ou distributeurs de services intéressés.

L’avis d’appel à candidatures contient des informations relatives au contenu et à l’échéance des contrats en cours portant sur les autres droits d’exploitation audiovisuelle. Il précise également le calendrier de la procédure d’attribution et les modalités d’ouverture des offres des différents candidats.

Les droits sont offerts en plusieurs lots distincts dont le nombre et la constitution doivent tenir compte des caractéristiques objectives des marchés sur lesquels ils sont proposés à l’achat.

Chaque lot est attribué au candidat dont la proposition est jugée la meilleure au regard de critères préalablement définis dans l’avis d’appel à candidatures. Les contrats sont conclus pour une durée qui ne peut excéder quatre ans.

La ligue doit rejeter les propositions d’offres globales ou couplées ainsi que celles qui sont assorties d’un complément de prix. »

[2] Article L. 420-2 du Code de commerce : « Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées aux articles L. 442-1 à L. 442-3 ou en accords de gamme. »

[3] Article 102 du TFUE : « Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. »

La Veille

La veille de la Transversale #7

  • 29 mars 20215 avril 2021
  • par Quentin Ranson

Chaque semaine, la Transversale vous donne accès à un éclairage scientifique de l’actualité sportive, en recensant les derniers articles publiés. 

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Plus de 150 femmes journalistes de sport s’unissent et signent une tribune contre l’infériorisation des femmes dans les rédactions sportives

A la suite de la diffusion de ce documentaire et des agressions et violences sexuelles qui y sont pour la première fois portées à la connaissance du grand public , 150 femmes journalistes de sport et étudiantes en journalisme ont signé une tribune au « Monde » demandant une meilleure représentation des femmes dans les médias sportifs. A l’initiative de plusieurs d’entre elles, un collectif « Femmes journalistes de sport » a aussi été créé.

Sexisme dans le journalisme : Anne-Laure Bonnet accuse TF1 de lui avoir demandé de maigrir

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