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Coachs sans diplôme

Dwight Howard – La seconde chance de Superman

  • 11 novembre 201911 novembre 2019
  • par La Transversale
Les super-héros ont tous le droit à une seconde chance. S’ils la saisissent, ils peuvent regagner l’admiration qu’ils suscitaient à l’époque de leurs exploits. Cette seconde chance, les Los Angeles Lakers l’ont donnée cet été à Superman et celui-ci semble bien tenir ses promesses.
2004-2012 : L’ascension de Superman

Meilleur défenseur de la Ligue trois fois d’affilée (l’unique joueur à l’avoir fait), 8 sélections pour le All-Star Game et finaliste NBA en 2010; aujourd’hui, qui associerait ces statistiques à Dwight Howard? La mention de son nom provoque même l’ironie et les profanes de la NBA nous riraient à la figure si nous tentions d’expliquer pourquoi il est notre joueur préféré…

Pourtant, Dwight Howard était considéré à l’époque comme le meilleur pivot de la Ligue et ses capacités athlétiques qu’il exposait en attaque comme en défense lui ont valu d’être surnommé Superman.
Un surnom qui prendra tout son sens lors du Dunk Contest de 2008 qu’il remportera.

L’envol de Superman lors du Dunk contest de 2008 (Crédit : Finish Line Blog)

De 2004 à 2012 il jouera pour le Magic d’Orlando et mènera ses coéquipiers en finale NBA, qu’ils perdront face aux Lakers. Cet échec en finale ne retirera rien à son statut de super héro qu’il portait légitimement. Les fans floridiens l’acclamaient pour sa domination sans égale sur les parquets et l’aimaient pour sa sympathie et son sens de l’humour.

Seulement, après 8 ans de bons et loyaux services pour les citoyens d’Orlando, le temps était venu pour Superman de délaisser la Floride pour la cote Ouest californienne en quête d’un titre de champion.

2012-2019 : Le déclin d’un Soft player

Howard rejoint en été 2012 les Los Angeles Lakers et l’équipe est annoncée comme favorite pour le titre de champion NBA de la saison. Il n’en sera rien; véritable fiasco, ils seront humiliés par 4 défaites face à San Antonio dès le premier tour des playoffs.

Pour Dwight Howard, cette saison annonce son déclin. Durant l’année, il a été bien plus actif en dehors des parquets que sur ceux-ci, occupé à amuser la galerie, à entretenir son image auprès des fans et à passer du bon temps sur Venice beach. Cette absence de maturité et d’état d’esprit de champion a déçu ses plus fervents admirateurs, frustrés de voir le plus grand dominateur des raquettes jouer aux clowns.

Kobe Bryant, résumera parfaitement la nouvelle image du joueur en le qualifiant sèchement de Soft (« faible » dans ce contexte), surnom qui le suivra et qui sera repris par la critique. En somme, Superman était devenu un GIF :

Kobe Bryant Nba GIF - Find & Share on GIPHY

Les saisons suivantes, ce sera enchaînement d’équipes (5 franchises en 5 ans…) et enfouissement progressif dans les oubliettes.
Sa dernière saison en 2019 chez les Washington Wizards se passera entièrement en dehors des parquets. Howard s’occupe d’une blessure au dos. Il doit également affronter les insultes sur les réseaux sociaux à la suite du scandale ayant révélé sa supposée relation avec une personne transgenre, à laquelle il aurait proféré des menaces de mort…

Triste fin de carrière pour l’ancien meilleur pivot de la Ligue, réduisant à néant tous les espoirs de ses disciples de le voir à nouveau briller sur les parquets.

L’été 2019, pourrait cependant changer les choses…

2019 : The Wise Howard, retour d’un Dwight assagi

Howard aura profité de l’été 2019 pour régler ses comptes.
A l’occasion de plusieurs interviews, il a affirmé avoir changé, en ayant chassé de sa vie tout ce qui l’empêchait de devenir un champion.
Il en a profité pour revenir sur cet affreux surnom de Soft que Bryant lui a accolé et l’en a même remercié en disant qu’il comprenait pourquoi il avait été qualifié ainsi et qu’il était prêt à se battre sur les terrains pour aider n’importe quelle équipe NBA à remporter le titre.
C’est surtout après avoir annoncé vouloir rejouer pour les Lakers qu’Howard a de nouveau intéressé la planète basket.

L’idée d’un retour du joueur chez les Lakers a ranimé l’enthousiasme alors éteint de ses plus importants soutiens. Serait-ce l’équipe au sein de laquelle son déclin a débuté qui lui tendrait finalement la main pour le sortir du gouffre? Voilà un scénario de grand cinéma, qui devrait faire plaisir à Jack Nicholson, l’éternel hollywoodien toujours présent aux matchs de Los Angeles. On va enfin pouvoir passer au-dessus de ce nid de coucou ! 

Happy Jack Nicholson GIF by NBA - Find & Share on GIPHY

Ce scénario s’est concrétisé le 23 août 2019 lorsque les Lakers ont officiellement transféré Dwight Howard.Il rejoint donc une équipe montée sur mesure par sa superstar LeBron James qui n’a d’autre volonté que de remporter le titre cette année.

Depuis le commencement de la saison, Dwight tient toutes ses promesses. Malgré son statut de remplaçant, il n’en prouve pas moins l’impact offensif et défensif qu’il peut apporter en étant le meilleur contreur et le meilleur au pourcentage de tir parmi les remplaçants de la Ligue. Il est sans aucun doute, l’un des contributeurs principaux au meilleur début de saison de l’histoire des Lakers, qui sont à ce jour à 7 victoires d’affilée.

Une version basketballistique du penseur… (Crédit : Wally Skalij)

Superman est bel et bien de retour, mais à 33 ans, c’est sous une nouvelle forme qu’il se présente. Mature, réfléchi, raffiné, tant dans sa personnalité que dans son jeu. Il n’est plus ce leader qui mènera à lui seul une équipe en finale et personne n’attend cela de lui. Il est désormais un remplaçant d’impact, prêt à se démener sur le terrain pour aider ses coéquipiers. Tout cela, pour la plus grande joie de ses admirateurs, les nostalgiques de la jaquette du jeu vidéo NBA Live 10 et ceux qui ont découvert le basket avec lui.

Quel bonheur de revoir un Dwight assagi : bon retour parmi nous The Wise Howard !

Arek Berberyan
Crédit photo : Wally Skalij / Los Angeles Times 
La zone grise

RB Leipzig : À l’Est, tout est nouveau

  • 2 octobre 20192 octobre 2019
  • par Paul Trinel

En 2009, le club amateur du SSV Markanstädt faisait évoluer ses couleurs blanches au sein du cinquième échelon du football allemand. Le 2 novembre prochain, le même club, qui caracole pour l’instant en tête de la Bundesliga, affrontera l’Olympique lyonnais en phase de poules de Ligue des champions, dans son antre de 43 000 places. Le club s’appelle aujourd’hui le RB Leipzig, et si le blanc est toujours sa couleur dominante, il s’est agrémenté d’un rouge sanglant.

Son ascension fut tout simplement la plus fulgurante du foot allemand. En cinq petites années, Die Roten Bullen est passé des divisions régionales à l’élite du football d’Outre-Rhin, avant de participer à sa première Ligue des champions l’année suivante, en 2017. Pourtant, en Allemagne, tout le monde est loin d’adhérer à ce qui pourrait ressembler à un conte de fées façon Leicester. En effet, alors que le promu de l’Union Berlin (néo-symbole du foot populaire teutonique) s’apprêtait à accueillir le club de Leipzig pour la première journée de BuLi 2019-2020, une discussion véhémente entre fans berlinois s’était engagée, certains d’entre eux appelant à boycotter la rencontre.

De quoi vous faire tourner la tête. Comment en est-on arrivé là ?

Le rouge de la discorde

Le propriétaire du RB Leipzig est l’homme d’affaires autrichien Dietrich Mateschitz. Dans une autre vie, M. Mateschitz est le cofondateur et l’un des dirigeants de l’entreprise Red Bull, connue pour ses boissons énergisantes. Et voilà que le doute se lève : le logo du club vous disait bien quelque chose, tout comme ces initiales « RB ». On touche en effet au cœur du problème. Ce que reprochent au RB Leipzig les fans allemands des Traditionsvereine (« clubs traditionnels »), c’est de n’être qu’une entité sans histoire, créée de toutes pièces afin de servir les desseins publicitaires d’une vulgaire entreprise commerciale. 

Après des essais concluants à New York et à Salzbourg (club qui est par ailleurs également en Ligue des champions cette saison), M. Mateschitz a ainsi décidé de passer à la vitesse supérieure et d’acquérir un club capable de jouer dans une des ligues du « Big Five ». Mais l’histoire ne se résume pas à cela : ce qui a scandalisé le monde du football allemand, c’est la façon dont Red Bull est parvenu à ses fins. En effet, les statuts de la Fédération allemande de football ont été écrits d’une manière à la préserver des dangers d’une commercialisation outrancière. Dans un premier temps, ils prohibent le naming, c’est-à-dire la possibilité pour une entreprise sponsor de donner son nom à un club. C’est pourquoi le nom officiel du RB Leipzig est le RasenBallsport Leipzig e.V. et non pas le « Red Bull », comme c’est le cas pour son homologue salzbourgeois. Cela n’a pas empêché l’entreprise d’y accoler ses initiales, par l’usage de la très étrange appellation RasenBallsport, qui peut se traduire à peu près par « sport de ballon sur pelouse » et sonne aussi mal en allemand que sa traduction française le laisse supposer. 

50 et 1 je t’aime

Dans un second temps, c’est la célèbre règle dite du 50+1 (50+1-Regel en V.O.), symbole des valeurs du football allemand, qui a été mise à mal par l’acquisition de l’équipe lipsienne. Selon cette réglementation, les membres d’un club doivent obligatoirement posséder la majorité (50+1) des parts sociales de ce dernier, qui dispose en droit allemand du statut particulier d’association incorporée. Par exemple, 140 000 parts du Borussia Dortmund appartiennent au public et ses détenteurs votent comme le feraient des actionnaires. Ainsi, l’investissement privé existe, mais la prise de participation est contenue par cette règle du 50+1. 

La règle peut souffrir d’exceptions : au bout de vingt ans d’investissement, une entreprise peut en être exemptée. C’est le cas pour le Bayer 04 Leverkusen (Bayer est une multinationale pharmaceutique) ou encore le VfL Wolfsburg (Volkswagen), cas qui ne suscitent pas de controverses en raison du caractère presque historique du soutien de ces entreprises. Dans le cas du RB Leipzig, Red Bull semble avoir rigoureusement respecté cette disposition. Mais en réalité, le cas est un exemple intéressant de fraude à la loi. Certes, Red Bull est détenu en majorité par les membres du club. Cependant, ces membres sont au nombre de 17, et sont tous des employés de Red Bull GmbH ; ils payent leurs droits de vote 800 euros par an là où un club comme le Bayern Munich va en exiger une soixantaine. Face à une telle circonvolution, les réactions peuvent être des plus détonnantes : en 2016, les supporters du rival est-allemand, le Dynamo Dresden, jettent des têtes de taureau (oui, oui, des vraies têtes de taureau) sur la pelouse, lors d’un match de DFB-Pokal. 

The Wild East

Toute la discussion qui entoure le RB Leipzig ne tourne pas uniquement autour de ses honnis propriétaires. Symboliquement, le club a un statut tout particulier en tant qu’unique représentant de l’Allemagne de l’Est (en excluant Berlin et ses particularités) dans la division d’élite du football allemand. Alors que la partie orientale du pays peut se vanter d’avoir de nombreux clubs à dimension historique, comme le FC Dynamo Dresden précité, le BFC Dynamo ou le FC Carl Zeiss Jena, il faut remonter à 2009 pour trouver la trace du dernier club d’Allemagne de l’Est à avoir joué en BuLi : l’Energie Cottbus. Dans un tour dont seule l’Histoire a le secret, c’est un club décrié pour son capitalisme effréné, menaçant « les valeurs », qui est le dernier représentant de l’ex-Allemagne soviétique. 

Près de 30 ans après la chute du Mur de Berlin et la réunification, les différences existent toujours entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est, et pas seulement en football. L’Est continue à souffrir d’indicateurs économiques moins avantageux que le reste du pays : taux de chômage plus élevé, croissance en berne, désindustrialisation… Plus particulièrement, c’est à un niveau culturel que les différences sont les plus tranchées. Pour une certaine partie des Allemands de l’Est, ils sont les perdants de la réunification. Les instituts de sondage ont relevé au XXIème siècle une réelle propension à l’Ostalgie (la nostalgie de l’Est) chez les habitants des nouveaux Länder, malgré le caractère répressif du régime de la RDA (à ce propos, je ne peux que recommander vivement le film La vie des autres). On devine alors le caractère hautement symbolique qu’a les succès du RB Leipzig, club de l’Est, au plus haut niveau national. 

Homo sovieticus lupus homini est

En prenant un peu de recul, on peut se demander ce qu’il faut penser de tout cela. D’un côté, Red Bull s’est comporté de manière très douteuse, voire frauduleuse, afin d’acquérir Leipzig, en détournant totalement l’esprit de la règle. C’est un autre exemple de la marchandisation à outrance, du foot business qui menace notre sport et les valeurs qu’il prétend représenter. On comprend la colère de ces supporters de Dresde qui voient leur club historique continuer à patauger là où les « parvenus » sont montés en seulement quelques années, le logo de la marque dont-ils-n’ont-pas-officiellement-le-nom sur le maillot. 

Pour autant, il s’agit aussi de relativiser certains points. Tout d’abord, le RB Leipzig offre des motifs de fierté à l’Est d’une Allemagne qui est encore, sur trop de sujets, coupée en deux. De plus, si l’on accepte que des clubs servent de vitrine à Bayer ou Volkswagen (entreprises qui ont pourtant eu leur lot de controverses), pourquoi pas Red Bull ? La politique sportive du club ne peut également pas être mise de côté ; alors que certains « nouveaux riches » se sont fait connaître dès leurs arrivées par des attaques à coup de gros sous sur le marché des transferts, Leipzig a choisi de miser sur le développement de jeunes talents ou de footballeurs à potentiel. Pour connaître les joueurs qui se sont révélés au RB Leipzig, outre Joshua Kimmich, il suffit de jeter un oeil à leur onze de départ ; la majorité de joueurs n’étaient pas de gros noms clinquants avant leur arrivée, alors qu’ils forment aujourd’hui une équipe très dangereuse sous la houlette du jeune et génial entraîneur Julian Nagelsmann. On peut citer l’exemple de l’excellent duo Werner – Poulsen, dont la défense lyonnaise aura à se méfier mercredi prochain. Enfin, le RB Leipzig offre une vague de fraîcheur et de challenge renouvelé à la course au titre en Bundesliga, qu’envient les suiveurs de notre Ligue des talents nationale. Pour tous les beaux discours sur les valeurs, le football allemand y perçoit l’intérêt de ne pas succomber aux délires endogames à la Agnelli : comment se prétendre concerné par la compétitivité d’un championnat où la préoccupation principale serait la préservation des intérêts établis ?

Paul Trinel

La zone grise

Première SCIC dans le monde du foot à Bastia

  • 30 septembre 201926 mars 2021
  • par Charles Henri Laval

« L’île de Corse… j’ai quelque pressentiment qu’un jour cette petite île étonnera l’Europe » Rousseau. Étonner l’Europe, on ne sait pas, mais étonner le monde du football et des juristes, nous en sommes presque certains. Il est vrai qu’il est étonnant que près de 6000 personnes continuent d’assister aux matchs d’une équipe pourtant en 4e division. Mais c’est ça le Sporting, un soutien constant, qui ne faiblit pas et qui rend aujourd’hui possible la création de la première Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) dans le monde du football français.

Une SCIC comme apprentissage entrepreneurial de l’association

Les SCIC ont été créées par la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel. Cette création est à relier directement avec le développement d’une économie dite solidaire(1). Le fonctionnement de cette SCIC est mu par des intérêts dépassant largement ceux de ses membres. En ce sens, cette forme très particulière de coopérative se rapproche de l’association.

Comme le souligne le Professeur David Hiez, il existe deux traits singuliers chez la SCIC : son multi-sociétariat et son utilité sociale.
Le multi-sociétariat apparait comme une évidence dans le monde du football et il reflète l’hétérogénéité des acteurs prenant part au fonctionnement et à la vie du club. La SCIC réunit en somme toutes les personnes ayant la volonté de participer au projet, qu’ils soient supporters, salariés, bénévoles mais aussi les collectivités publiques.
L’utilité sociale apparait aussi comme une évidence, notamment pour Bastia. Le club est celui de toute la Corse, celui qui réunit les Corses de la pointe du Cap aux falaises abruptes de calcaire blanc de Bonifacio. Il ne s’agit pas ici de définir la notion très difficile à cerner de « l’utilité sociale ». Cependant, on peut retenir une définition assez intéressante donnée par Delmas-Marsalet qui fait de l’utilité sociale une prise en considération des activités que le marché délaisse. Les activités d’utilité sociale sont donc celles qui « pallient les insuffisances de l’économie de marché en fournissant, dans des conditions nécessairement désintéressées, des services qui ne sont pas assurés par le marché́, faute d’être rentables ou en pourvoyant aux besoins de ceux que le marché́ délaisse parce que leurs ressources trop modestes n’en font pas des clients intéressants »(2).

Les clubs de football se prêtent très bien à ce modèle. Le club est au cœur du tissu économique local. Tout d’abord parce qu’il embauche un certain nombre de personnes dans la zone géographique de rayonnement du club. Ensuite, parce qu’il fait vivre de nombreuses autres personnes du fait des partenariats commerciaux conclus. Il s’agit du boulanger qui fournit les loges en petits fours, c’est l’hôtelier qui reçoit les équipes adverses, c’est le restaurateur en face du stade qui profite de l’affluence et beaucoup d’autres.

Une SCIC comme modèle adapté aux spécificités d’un club de football

Le multi-sociétariat permet de répondre à l’hétérogénéité des acteurs au sein du club. Tout le monde y trouve un intérêt.

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire permet à une collectivité territoriale de détenir jusqu’à 50% du capital d’une SCIC. Cette information n’est pas à négliger. Tout d’abord cela autorise une collectivité à être actrice au sein d’un club. Ensuite (et surtout) cela rassure les investisseurs. En effet, les deniers publics sont « un vrai gage de sécurité et de pérennité pour l’ensemble des participants à la renaissance de la structure »(3) .

Les supporters y trouvent aussi leur compte. On reproche souvent une rupture de dialogue entre les associations de supporters de leur club. Le système de la SCIC permet de faire assoir tout le monde à la même table. Et lorsque les supporters et les dirigeants marchent ensemble, le club peut aller loin. Bastia sait quelque chose du manque de dialogue et de sincérité de la part des dirigeants, le mensonge le plus célèbre demeure la réplique « Yapadataquant » ou encore la triste réplique « il est très difficile d’expliquer, ce qui, quelque part n’est pas inexplicable, mais est très difficile à expliquer ». La SCIC apparait alors comme une réaction naturelle à cette période sombre pour le club.

En ce qui concerne l’organisation de l’assemblée générale, il faut se référer au droit coopératif général. Tout dépend des statuts mais le système par défaut est séduisant puisqu’il est le miroir du multi sociétariat, laissant la parole à chacun des contributeurs. Ainsi « chaque associé dispose d’une voix à l’assemblée générale ». Cependant, les associés peuvent se réunir en collège. Chaque collège ne peut détenir plus de 50% des voix car cela reviendrait à rompre ce système de « check and balances » entre les différents acteurs : supporters, entreprises partenaires, fondateurs etc. Ainsi, à Bastia, le conseil d’administration est composé de cinq collèges : 38% des voix vont aux fondateurs du club, 22% aux entreprises partenaires, 20% aux supporters socios, 10% aux salariés du club et 10% aux collectivités publiques.

Une SCIC comme réappropriation territoriale du club

« La SCIC envoie un signal fort : un club appartient à tous les acteurs qui le font vivre « (4) . Ce modèle, diffusé à plus grande échelle, replacerait les clubs au cœur du tissu économique et social local. Parce que oui personne ne veut que la boulangerie du village disparaisse, personne non plus ne souhaite la disparition du club local. Au-delà de l’économie, au-delà du droit, le club est un formidable outil de cohésion sociale, un formidable outil de revitalisation des territoires. Donc quel est le modèle juridique le plus adapté à cette position sociale ? La SCIC. Alors oui peut être que ce modèle sera moqué par les grosses écuries de ligue 1. Mais en attendant, il s’agit peut-être d’une manière innovante de sauver et redynamiser le football amateur. A bon entendeur.

La SCIC est finalement vecteur d’une certaine vision de la France : celle d’un pays où les citoyens retrouvent localement un pouvoir décisionnel et celle d’un pays où la solidarité n’est pas qu’une devise mais un apprentissage de tous les jours.

 

 

(1) J.-L. LAVILLE, Politique de l’association, 2010, coll. Économie humaine, Seuil, p. 253 s.)

(2) DELMAS-MARSALET, concl. sous CE 30 nov. 1973, Assoc. Saint-Luc Clinique du Sacré-Cœur, req. nos 85598 et 85586, Dr. fisc. 1974. Comm. 531, et spéc. p. 22

(3) Institutions – Statuts – La SCIC : une alternative crédible pour les clubs en reconstruction – Gautier Kertudo – Luc Dayan – Gabriel Jobin – JS 2018, n°185, p.38

(4) Institutions – Statuts – La SCIC : une alternative crédible pour les clubs en reconstruction – Gautier Kertudo – Luc Dayan – Gabriel Jobin – JS 2018, n°185, p.38


La zone grise

La marchandisation de l’image du sportif

  • 30 septembre 201924 novembre 2019
  • par Justine Le Gall

Beaucoup l’ignorent mais si les sportifs de haut niveau, notamment les footballeurs tels que Cristiano Ronaldo ou Neymar, gagnent autant d’argent, ils ne la doivent pas uniquement à leurs prestations sur le terrain. En effet, chaque sportif possède, comme tout le monde, un droit à l’image. C’est un droit exclusif que nous avons sur notre image et l’utilisation qui en est faite. Ce droit a été dégagé par la jurisprudence sur le fondement de l’article 9 du Code civil qui dispose que « Chacun a droit au respect de sa vie privée « . Une autorisation préalable est donc nécessaire pour son utilisation. Cependant, il est important de savoir son rôle en matière sportive. 

Le droit à l’image, un droit varié

Il existe à ce jour trois types de droit à l’image dans le milieu sportif. Tout d’abord, le droit à l’image individuel du joueur en dehors de son club. Le joueur garde donc la maitrise sur son image et sur sa commercialisation. C’est à lui seul de décider s’il souhaite nouer des partenariats avec des sociétés ou des sponsors et recevoir une rémunération en contrepartie. Le consentement du joueur doit donc a priori être requis. Seulement, il existe un cas particulier où son consentement n’est pas nécessaire. Il s’agit du droit d’information du public. 
À coté de ce droit à l’image individuel, il en existe un autre mais associé au club, c’est à dire en lien avec le club du sportif. Le club a la possibilité d’utiliser l’image du joueur à des fins promotionnelles ou pour des produits dérivés du club. Pour ce type de droit individuel entre le club et le sportif, l’avenant du contrat de travail le précise. Toutes les conditions d’utilisation de l’image du sportif seront détaillées, ce qui permettra au club de savoir à quel point il peut exploiter l’image de son sportif. Enfin, il existe un droit à l’image collective qui correspond à l’image du sportif associée à celle de son équipe. Il s’appliquera s’il y a 50% de l’effectif présent sur le terrain que cela soit durant un entraînement ou un match. Il s’agit du droit qui suscite le plus de discussions au vu de l’entrée en vigueur du décret du 3 août 2018 concernant la double prestation qui lie un sportif à son club. 

Le droit à l’image, un droit exploité

Comme dit Franck Lagarde ( avocat et membre du centre de droit et d’économie du sport de Limoges ) « pour certains sportifs, les droits à l’image peuvent générer des revenus conséquents ». Cette exploitation du droit à l’image dans le milieu sportif n’existait pas dans les années 1960. Il n’a cessé de se développer avec l’évolution de la nouvelle technologie.
Cependant, il rajoute que « tous les footballeurs même en évoluant dans les championnats professionnels n’ont pas une image qui peut faire l’objet d’une exploitation commerciale. On le voit bien dans les publicités, on est sur des joueurs de très haut niveau ».
Par exemple, Cristiano Ronald, star du football international, semble profiter de ses droits à l’image. Entremise par une société offshore à laquelle il a cédé ses droits entre 2009 et 2014, il aurait touché 74,8 millions d’euros liés à ses droits d’image. 

Droit à l’image et évasion fiscale

Lorsqu’ils vivent dans un pays, les sportifs doivent payer leurs impôts. Or, le droit à l’image pouvant engendrer d’énormes sommes, les joueurs sportifs ont tendance à cacher ces revenus en les déposant sur des comptes dans des pays différents pour qu’ils ne tombent pas dans les radars de l’administration fiscale.
C’est notamment le cas de Luka Modric. Selon les faits révélés par la presse espagnole, il a créé au Luxembourg une société à qui il a cédé ses droits d’image. Cela lui aurait permis de ne pas déclarer de revenu au fisc espagnol de 2012 à 2014.
Très souvent également, les clubs savent utiliser les droits à l’image de leurs joueurs pour payer moins de charges et parfois de manière illégale, comme Cristiano Ronaldo. Son agent sportif était au courant qu’il avait cédé ses droits à l’image à une société en dehors de l’Espagne. Le club l’était également selon les faits mais a préféré le cacher. 
Ils sont donc en réalité 3 dans le contrat d’exploitation du droit à l’image et non deux, il y a le club, le sportif et la société. Le club peut y participer indirectement et profiter de la situation de son sportif. 

Crédit : Stringer / Getty

La réponse de la loi Braillard du 1er mars 2017

Suite au développement de ce droit à l’image, la loi Braillard du 1er mars 2017 concernant l’éthique du sport et la compétitivité des clubs est entrée en vigueur, ainsi que le décret d’application de l’article 17, en août 2018. Depuis ce décret, concernant le droit à l’image collective, les clubs sportifs professionnels sont autorisés à verser une partie de la rémunération de leurs joueurs sous forme de droits à l’image et sont exonérés de cotisations patronales. 
Le droit à l’image ne sera plus assujetti aux mêmes règles que le reste de leur rémunération concernant leur prestation sportive, ce qui permettra au club de réaliser une économie car ils auront moins de charges. Le joueur pourra donc recevoir une rémunération plus importante ou le club pourra faire d’autres investissements plus importants.
Est-ce que cela va permettre de réduire la tendance d’évasion fiscale ? Concernant les clubs professionnels, oui car ils pourront enfin jouer à armes égales avec la concurrence étrangère. Cependant concernant les joueurs, rien ne pourra les arrêter car la situation sera la même pour eux.

© site acteur du sport

La zone grise

Anatole Ngamukol vs. Stade de Reims

  • 30 septembre 201927 novembre 2020
  • par Baptist Agostini-Croce

Football & droit pénal, lofteur & harceleurs

Le premier octobre prochain, Anatole Ngamukol sera partie civile face à deux personnalités du Stade de Reims : l’entraineur David Guion et le directeur général Mathieu Lacour. L’ancien joueur du club se considère victime d’harcèlement moral de la part des deux hommes qui ont ainsi fait l’objet d’une citation directe devant le tribunal correctionnel de Reims.

La situation s’avère inédite puisque malgré l’existence de cas analogues par le passé, aucun n’avait conduit à une prise de position de la justice pénale. Le futur jugement pourrait avoir un impact considérable tant de nombreux joueurs semblent se trouver chaque année dans des conditions similaires.

Dès lors, il convient de s’interroger sur la possibilité que les faits reprochés à Guion et Lacour correspondent aux éléments constitutifs du harcèlement moral, infraction pénale qui n’est pas dénuée de complexité.

Le loft, élément déclencheur

Une analyse des faits s’avère nécessaire pour comprendre comment l’entraineur et le directeur général d’un club professionnel peuvent se voir reprocher la commission d’une telle infraction.

La reprise de l’entrainement à chaque début de saison implique de façon quasi systématique une modification de l’effectif, synonyme de nouvelles arrivées mais aussi de départs. Or, dans l’attente de cette dernière possibilité, certains éléments vont être conviés à quitter le groupe professionnel afin de poursuivre leur préparation de manière séparée, ils sont ainsi mis en « loft ».

Le loft correspond donc à une mise à l’écart de joueurs qui ne sont plus désirés au sein de l’équipe. Rien n’anodin jusqu’alors puisqu’une telle pratique est constatée à chaque mercato dans l’attente du transfert de ceux que l’entraineur ne souhaite plus voir évoluer sous ses ordres.

Néanmoins, ce sont les conditions de cette mise en loft qui peuvent s’avérer problématiques. En effet, Anatole Ngamukol a été informé en mai 2018 que le club ne comptait plus sur lui. Une lettre lui indique un mois plus tard qu’il s’entrainera avec l’équipe réserve, courrier qui sera renouvelé chaque mois jusqu’en octobre, période à laquelle le joueur est licencié pour faute grave suite à des menaces qu’il conteste (1).

Ce dernier explique que le club lui a notamment refusé le droit de jouer les matches de la réserve afin de le forcer à partir (2).

La situation n’est pas sans rappeler celle de Sylvain Monsoreau, ancien défenseur mis au loft par l’AS Saint-Etienne en 2011 avec ses coéquipiers Boubacar Sanogo et Mustapha Bayal Sall. L’ex-troyen avait lui aussi été écarté du groupe professionnel, privé de maillot et d’équipements, interdit de place de parking et de billets de match (3). Si aucune décision n’était intervenue dans le domaine pénal, la Cour d’appel de Lyon avait accordé des dommages et intérêts au titre du préjudice moral du fait des actes répétés de harcèlement(4).

Le harcèlement moral au travail, infraction pénale complexe

Le harcèlement moral au travail est régi par l’article 222-33-2 du Code pénal. Ce dernier dispose que : « Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. »

En droit pénal, une infraction est constituée par la réunion de deux éléments. L’élément matériel, correspondant au comportement effectivement réprimée par la loi, ainsi que l’élément moral qui s’entend de l’état d’esprit de l’auteur de l’acte, son comportement psychologique.

Au titre de l’élément matériel, le harcèlement moral au travail se compose en trois temps :

  • Les agissements doivent être répétés : « (…) par des propos ou comportements répétés (…) »
  • Ils doivent avoir pour but ou pour conséquence une dégradation des conditions de travail : « (…) ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail (…) »
  • La dégradation étant susceptible de porter préjudice à l’individu en question : « (…) susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (…) »
Concernant l’exigence de comportements répétés, la jurisprudence prohibe notamment l’affectation à des taches sous-qualifiées ou surqualifiées. Par exemple, est constitutif d’harcèlement moral le fait de cantonner de façon prolongée et systématique une salariée engagée en qualité d’ambulancière et devenue régulatrice à des fonctions d’ambulancière, alors que cette fonction n’était qu’accessoire à la fonction principale (5). Est-il possible de voir une similitude avec le cas de l’ancien joueur rémois, convier à de multiples reprises à évoluer avec l’équipe amateur alors que ce dernier est footballeur professionnel ?

Les sanctions disciplinaires abusives étant également évoquées (6), rappelons que Ngamukol a subi un licenciement pour faute grave qu’il conteste.
A noter que la Cour de cassation réprime dans ce cadre le refus systématique d’accorder à un salarié les avantages accordés aux autres (7). Les joueurs mis en loft avec lui ont-ils dès lors connu un traitement similaire de la part du Stade de Reims ?

Les comportements répétés doivent simplement avoir « pour effet » ou « pour objet » une dégradation des conditions de travail, la Cour de cassation rappelant que le délit « n’implique pas que les agissements aient nécessairement pour objet la dégradation des conditions de travail » (8).
Le délit de harcèlement moral est consommé dès lors qu’une simple « possibilité » de dégradation existe (9).

Parmi les dégradations envisagées par le texte d’incrimination, une d’entre elle mériterait une particulière attention au regard des faits rapportés par Anatole Ngamukol : la compromission de l’avenir professionnel.
Réduire un joueur au rang d’amateur, l’empêcher de s’entrainer avec le staff de l’équipe première et de jouer des matches le weekend ne conduirait-il pas à tronquer sa préparation et dès lors, compromettre son avenir professionnel ? La question mérite d’être posée.

Toutefois, les comportements susvisés doivent être illégitimes pour être sanctionnés, ce qui n’est pas le cas lorsque l’employeur use de son pouvoir de direction (10).

Enfin, au titre de l’élément moral, il semblerait que suffise simplement un dol général, soit la volonté de commettre un acte que l’on sait interdit, puisque les termes « pour objet » ou « pour effet » empêche d’exiger chez l’auteur l’intention d’atteindre ladite dégradation.

Le tribunal correctionnel de Reims a donc la possibilité de rendre une décision d’une importance capitale dans le domaine sportif concernant une situation déjà problématique vis à vis de la Charte du Football Professionnel.

En effet, l’article 507 de celle-ci indique notamment au point numéro 1 que « (…) Sauf raison médicale, le club ne saurait maintenir aucun joueur sous contrat professionnel, sous réserve des dispositions prévues au 2. ci-dessous, à l’écart du dispositif mis en place au sein du club pour la préparation et l’entraînement collectif des joueurs professionnels ou élites (…) »

Le deuxième point précise que « (…) La mise à disposition de tout joueur sous contrat professionnel dans le 2ème groupe d’entraînement, selon les critères et conditions définis ci-dessus, doit s’effectuer de manière temporaire pour des motifs exclusivement sportifs liés à la gestion de l’effectif.

Elle ne doit en aucun cas se prolonger de manière régulière, permanente et définitive s’apparentant à une mise à l’écart du joueur contraire à l’esprit du texte et du contrat de travail du footballeur professionnel. (…) »

Enfin, le dernier point indique que si de telles conditions – lesquelles sont cumulatives – ne sont pas respectées, le joueur sera réintégré dans le premier groupe d’entrainement par la Commission juridique de la Ligue de Football Professionnel.

Malgré la saisine de cette commission et sa réintégration dans le groupe, Anatole Ngamukol souhaite donc obtenir gain de cause sur le terrain répressif. C’est donc à la juridiction rémoise qu’il revient la possibilité d’éclairer ou d’obscurcir l’avenir des futurs lofteurs.

Baptist AGOSTINI-CROCE

1. « Le conflit entre le Stade de Reims et Anatole Ngamukol se réglera bien devant la justice », France Bleu Marne, 7 mai 2019 : https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/le-conflit-entre-le-stade-de-reims- et-anatole-ngamukol-se-reglera-bien-devant-la-justice-1557247109

2. « Enquête : ces joueurs de football qui passent des lofts aux tribunaux », l’Equipe, 30 juillet 2019 : https:// www.lequipe.fr/Football/Article/Enquete-ces-joueurs-de-football-qui-passent-des-lofts-aux-tribunaux/ 1044767

3. « Les rois du loft », France Football, 14 juillet 2015 : https://www.francefootball.fr/news/Les-rois-du-loft/ 574063

4. CA Lyon, 20 mars 2015 n° 14/02341

5. CA Nancy, 30 janvier 2002, ch. soc, n°01/02517

6. Crim, 25 septembre 2007, B n°222 ; JCP 2007, II, 10004

7. Crim, 6 février 2007, B n°29, RSC 2007, p.818, obs. Y Mayaud 8 Crim, 24 mai 2011, DP 2011, n°118

9. Crim, 23 janv. 2018, n° 16-87.709

10. Crim, 18 janvier 2011, JCP 2012, 310, note P. Mistretta

La zone grise

Peut-on souhaiter la défaite de son équipe ?

  • 25 septembre 201929 septembre 2019
  • par Hayk Keshishian

Le 25 mai 2019, à Séville, se jouait la finale de Coupe du Roi opposant le FC Barcelone à Valence. Cette sixième finale consécutive pour le club catalan allait avoir lieu dans une ambiance particulière puisqu’une partie de ses propres supporters espérait une défaite de l’équipe, celle-ci étant supposée conduire au limogeage du critiqué coach Ernesto Valverde. Ce phénomène, qui apparaît comme contre-nature, n’est pourtant pas rare et touche plusieurs clubs chaque saison. Ce souhait du supporter est-il moralement condamnable ?

Entre trahison et sacrifice

La première réaction devant un supporter souhaitant la défaite de son club de cœur est d’y percevoir une forme de trahison. En effet, la définition même du supporter est celle de la personne qui encourage une équipe. Il est alors totalement paradoxal et contre-nature que ce même supporter espère l’échec de son club, et, indirectement, la victoire de son adversaire.

Pourtant, le supporter n’est-il pas le premier à être profondément affecté par la défaite de son équipe ? Aussi attendue soit-elle, la défaite provoque ce pincement au cœur inévitable lorsque le coup de sifflet final est donné par l’arbitre. Qu’elle entraîne l’élimination d’une compétition ou la perte de points au classement, elle propage ce sentiment amer qui met parfois bien longtemps à disparaître. En s’infligeant un tel supplice, le supporter n’accepte-t-il pas in fine de se sacrifier dans l’espoir d’un plus grand bien ?  

Un mal pour un plus grand bien

Le souhait de voir son équipe perdre n’est pas un acte gratuit, dénué de sens et simple conséquence du dégoût du supporter. Il est davantage un acte désespéré, un dernier espoir placé dans une défaite potentiellement salvatrice, un baroud d’honneur.    

Cette défaite, synonyme d’échec et antonyme de succès, est par définition un mal. Elle l’est du moins à court terme lorsqu’il s’agit d’une journée de championnat et devient définitive lorsqu’elle entraîne l’élimination d’une compétition. Mais ce mal ne peut-il pas être compensé ?

Première hypothèse, si la victoire est une « imposture » comme le considère Marcelo Bielsa, alors la défaite peut être la « sincérité » providentielle. En effet, celle-ci est un signal d’alarme. Elle met en lumière les défauts souvent masqués par les victoires et invite chaleureusement l’entraîneur et les joueurs à les corriger. Pour poursuivre sur l’exemple du Barça, les réussites en Liga au cours de deux dernières saisons, bien trop souvent permises par la présence d’un seul homme qu’il est devenu inutile de citer, ont fait de l’ombre aux importantes carences de l’équipe. Avec des résultats plus compliqués en championnat et reflétant honnêtement les prestations délicates, l’issue aurait peut-être été différente en ligue des champions.

L’autre hypothèse est plus radicale. Il arrive un stade où l’entraîneur, soit par ses résultats, soit par son style de jeu, n’est plus considéré comme apte à rester au club. Et il peut en être de même pour un autre dirigeant. Dans ce cas, l’ultime défaite présente l’espoir du limogeage de la personne désignée comme responsable de la mauvaise situation. On retrouve ici le scénario de la finale de Coupe du roi précitée, mais dont la conclusion n’a pas été entièrement celle espérée.

Un bien incertain

Le problème est bien celui de l’incertitude de la conséquence heureuse que la défaite est censée apporter. Ainsi, malgré la débâcle du FC Barcelone face à Valence, Ernesto Valverde a été maintenu à son poste. Or, si l’aspect positif de la défaite ne se produit pas, cette dernière conserve essentiellement un aspect négatif qui n’aura pas été compensé.

Ce souhait d’une défaite salvatrice est donc un sacrifice risqué au bout duquel l’échec peut être total. Néanmoins, motivé par le désir de voir son club réussir sur le long terme et animé par le désespoir devant l’absence de toute solution rationnelle, le supporter se montre prêt à prendre le risque, même si les chances sont infimes, à travers cet acte de dernière chance. Or, comme le disait Robert Kennedy, « seuls ceux qui prennent le risque d’échouer spectaculairement réussiront brillamment ». Dès lors, comment en vouloir à ce supporter ?

Putaclic

Le polo est-il vraiment un sport de riche ?

  • 23 septembre 201923 septembre 2019
  • par Louis d'Aramon

Alors qu’un des derniers matins de novembre laisse tomber quelques écharpes de brumes sur les coteaux de la banlieue de Chantilly, Balthazar de Baudreuil (27 ans) nous accueille dans son manoir familial. Nous tairons le lieu exact de la demeure centenaire, car « vous comprenez avec les camps de migrants et les Romanichels, le Cézanne du salon n’est plus à l’abri : la paix du christ c’est le dimanche à l’église Saint François avec un polo Ralph Lauren noué sur les épaules, pas dans mon jardin ».

Balthazar a pris contact avec notre rédaction pour tirer un coup de gueule. : depuis plusieurs mois quelques roturiers (avec parfois un nom en une syllabe) viennent polluer le club-house du Polo Chantilly Club. « Le polo est un sport de riche et ça doit le rester » lance-t-il après avoir congédié sa gouvernante. Il nous glisse  « elles sont formidables ces Philippines, elle paye les études de ses enfants avec les étrennes, vous saviez vous qu’il y avait des écoles aux Philippines ? ».

Après avoir pris une gorgée d’un modeste Château Petrus 1986, il reprend « vous comprenez, je n’ai rien contre les gens qui ne sont pas bien nés, c’est simplement que je les déteste. Ils empestent le mobilier Ikéa et le déodorant Axe, ça effraie les chevaux ! ». Puis, pensif, et effectuant un mouvement circulaire avec son verre, il murmure : « mais où trouvent-ils l’argent bordel de merde ? ». Il regarde les portraits taciturnes de ses ancêtres trônant sur les murs du salon, en quête d’approbation : « Hein oncle Philipe ? Où est-ce qu’ils la trouvent ? Je vois mal comment des smicards arrivent à acheter des pur-sang argentins avec la surface financière d’une épicerie à Barbès ! ». Il soupire. Mais soudain, une lueur illumine le regard vitreux du jeune rentier.

 « À moins que… » pense-t-il tout haut en se resservant un verre. À ce stade il est nécessaire de rappeler que Balthazar, après avoir redoublé deux fois sa première année à l’Ecole Hôtelière de Lausanne (il possède la double nationalité Suisse), a atterri dans le Mastère Spécialisé « Gobal Governance and Digital Banking » de l’ESCP Europe : le financement ça le connaît. Il reprend : « ….à moins que ces félons de banquiers chez Lazard continuent à proposer des doubles poneys roumains en leasing ». Il réprime alors un relent et vocifère « en tout cas ça me dégoûte ! Ils arrivent avec leurs pantalons beiges Zara et leurs maillets tout droit sortis de la Fnac éveil et jeux ! Ils l’ont trouvé où leur licence ? » – il hurle à présent – « DANS UN KINDER SURPRISE ? ».

Afin de calmer Balthazar nous l’interrogeons sur les moyens dont il dispose pour mettre fin à cette épidémie. « Écoutez j’avais bien pensé à remettre au goût du jour le droit de cuissage, mais je pense qu’il serait plus efficace de ré-instaurer la dîme pour les métayers et leur couper un doigt à chaque fois qu’une mensualité n’est pas honorée. Vous pouvez être certain qu’au bout de quelques mois ils ne pourront plus tenir un maillet ». Balthazar jette un coup d’oeil furtif à son Omega et s’écrie « Merde je rejoins Pap’s à l’hippodrome de Longchamps dans une heure, on va voir notre dernier poulain faire ses premières foulées. Il y a l’afterwork Jeuxdi après, vous prendrez bien quelques bouteilles de Minuty avec mes copains ! ». Nous refusons poliment et laissons Balthazar filer dans la Mini Cooper cabriolet de « Mam’s ».

Dans le TER retour en direction de Gare du Nord, entre lépreux, je conclus mon article avec aigreur et amertume : le polo n’est peut-être plus un sport de riche, mais c’est toujours un sport de con.

La zone grise

La fratrie Glazer : les propriétaires honnis de ManU

  • 20 septembre 201920 septembre 2019
  • par Paul Trinel

Pour les habitués du championnat français, les différents propriétaires des principaux clubs de Ligue 1 sont rarement des grands inconnus : médias et supporters se délectent d’histoires se concentrant sur les milliardaires, chefs d’entreprises, ou même fonds souverains à la tête des différents clubs de notre Ligue des talents. Nonobstant François Pinault, actionnaire majoritaire du Stade rennais qu’on retrouve assez rarement en première page des médias sportifs, force est de constater qu’à peu près tout le monde ayant une connaissance sommaire du football en France sait que le PSG « appartient au Qatar » (par l’intermédiaire de la branche sportive de son fonds souverain, Qatar Sports Investment) ou a déjà lu un tweet de Jean-Michel Aulas.

Même après le fameux huitième de finale retour en Ligue des Champions entre le Paris Saint-Germain et Manchester United (NB : sur lequel l’auteur de cet article ne souhaite pas revenir pour des raisons personnelles), on peut à l’inverse se faire la remarque que très peu de contenu est consacré de ce côté-ci de la Manche aux propriétaires des clubs de l’English Premier League, et a fortiori à ceux qui ont la mainmise sur le club qui a le palmarès le plus fourni de l’histoire du football anglais : les frères Glazer.

Curriculum vitae des Glazer Bros.

Issus d’une famille juive new-yorkaise, le patriarche des Glazers se nommait Malcolm (il est décédé en 2014), et c’est lui qui bâtit l’empire commercial de la famille Glazer. Il a tout du self-made man américain : après avoir vendu au porte-à-porte dans son enfance les montres que fabriquait son père, il développa ses affaires de joaillerie, avant de se lancer dans l’immobilier, puis de, progressivement, monter un véritable empire financier. À son apogée, la société holding des Glazer, First Allied Corp., dispose en effet de participations très variées : immobilier, industrie agroalimentaire, Harley Davidson, l’industrie pétrolière, etc…

En 1995, Malcolm Glazer fit ses premiers pas dans le monde fermé des propriétaires d’équipes de sport, lors de l’achat de la franchise de football américain des Tampa Bay Buccaneers. C’est alors qu’il réalisa un de ses premiers coups d’éclats : face à la perspective de voir la franchise des Buccaneers délocalisée de Tampa Bay, le conseil municipal de la ville vota pour la création d’un impôt indirect qui allait aider la construction du nouveau stade des Buccaneers. Déjà, les opposants des Glazers (Malcolm, et ses fils Joel et Avram) dénoncèrent une manoeuvre ayant permis aux propriétaires millionnaires d’une franchise de financer entièrement la construction d’un stade par un impôt sur la consommation des habitants de la ville.

Manchester is Red (Football Ltd.)

C’est au début des années 2000 que les Glazers ont jeté leur dévolu sur Manchester United. Le club représentait pour eux un investissement très intéressant, ayant une assise mondiale et une histoire glorieuse ; tout en paraissant disponible à un prix relativement abordable. Progressivement, les Glazers achètent les parts du club coté sur la Bourse de Londres. Malgré l’opposition virulente des supporters des Red Devils (c’est à cette époque qu’apparaît le slogan Love United, Hate Glazers, ou LUHG), les Glazers réussissent en 2005 à retirer le club du marché boursier.

En réalité, là où le bât blesse particulièrement pour les supporters mancuniens, c’est dans la façon dont les Glazers se sont emparés des actions du club, qui n’est pas sans rappeler des mauvais souvenirs aux habitants de Tampa Bay. L’objectif de l’opération ? Détenir 98% des actions, ce qui leur permettra de squeeze out les actionnaires minoritaires restant, c’est-à-dire de les forcer à vendre leurs actions. À ces fins, le véhicule d’investissement Red Football Ltd. a été créé ; et la technique du leveraged buyout, ou LBO, a été utilisée. Dans ce montage financier, l’entreprise acheteuse (ici, Red Football Ltd) va solliciter des fonds afin d’acheter un actif particulier (ici, Manchester United Football Club Limited) ; sauf qu’il est prévu que la première remboursera la dette sur les bénéfices de la seconde. Pour résumer, les Glazers, sans débourser un seul centime ou presque, ont acheté Manchester United en endettant le club à hauteur de 700 millions de livres.

Durant les premières années du club après le rachat, les finances de United pouvaient bénéficier de plusieurs circonstances favorables : l’explosion continue des revenus tirés des droits de retransmission télévisuelle ; l’exploitation jusqu’à l’outrance de son potentiel commercial par de nombreux contrats de sponsoring (parmi lesquels on pouvait dénombrer une marque de pneus, une bière thaïlandaise, du vin chilien) ; et enfin, de bonnes performances sur le terrain sous les dernières années du mandat de Sir Alex Ferguson, dont une Ligue des champions en 2008. Cependant, le montage financier ayant permis le rachat du club l’a grevé d’une charge de la dette colossale, ayant atteint les 70 millions de livres par an à la fin des années 2000.

Là se concentre toute la rancoeur des fans : sans avoir investi un seul centime, les Glazers se sont considérablement enrichis avec l’augmentation de la valeur de Manchester United, qui, selon une estimation de Forbes, valait en 2018 3 668 millions de dollars ; mais cela au prix d’une charge de la dette considérable limitant les possibilités de recrutement du club qui reste aujourd’hui le troisième club de football du monde en termes de revenus (666 millions d’euros en 2017-2018 selon le cabinet Deloitte, un chiffre qui ne s’invente pas…). Troisième fortune mondiale donc, pour un club qui depuis 5 ans n’a réussi qu’une fois à accrocher le podium de la Premier League, lors de la saison 2017-2018. À de nombreuses reprises durant l’intersaison, les fans du club mancunien ont déploré un manque d’investissement incohérent avec les revenus du club.

We shall not be moved

En septembre 2019, le Mirror déclarait laconiquement que les Glazers étaient satisfaits de la gestion de Manchester United par leur directeur général, Ed Woodward (qui lui-même s’est considérablement enrichi à la tête du club). Les fans désabusé du club au 42 trophées doivent donc continuer à faire le dos rond.

Une attitude qui n’était pas du goût de tout le monde. On se souvient en effet qu’en 2010, un groupe de personnalités plutôt aisées (banquiers d’affaires, avocats associés …) dénommé les Red Knights avait mis sur la table une offre d’un milliard de livres pour racheter le club. Les Glazers ont fait la sourde oreille, et le plan a échoué, aux désarroi des fans qui avaient fait connaître leur soutien pour l’opération.

Par ailleurs, en 2005, certains supporters sont jusqu’à aller créer un club semi-professionnel, le F.C. United of Manchester. L’initiative, bien qu’intéressante, n’a pas été du goût de toute la communauté des Red Devils, et leur loyauté fut même questionnée par Sir Alex Ferguson himself. Ils jouent aujourd’hui en Northern Premier League, le 7ème échelon du football anglais.

De glorieux succès sur le terrain auraient peut-être pu faire passer la pilule Glazer aux supporters mancuniens. Cependant, le Manchester United F.C. n’est pas, c’est le moins qu’on puisse dire, dans la forme de son histoire ; ce qui met en exergue la gestion du club d’Ed Woodward. Un passionné de football ne peut que s’attrister du destin du plus grand club d’Angleterre, devenu la proie de ce qui peut être décrit comme un amalgame des pires dérives du foot business du XXIème siècle. L’auteur de cet article sait comme tout un chacun que les clubs de foot sont loin d’être des œuvres de charités, et que ce sont avant tout des entreprises à but lucratif ; mais comment ne pas regretter que le monument qu’est United ne soit devenu (en forçant certes le trait) qu’une vulgaire machine à fric, destinée à permettre aux frères Glazers de rembourser la dette qu’ils ont eux-même contractée pour l’acquisition du club ?

Paul Trinel

Coachs sans diplôme

Identité de jeu et résultats

  • 17 septembre 201916 septembre 2019
  • par Malcolm Ali Fils
Le football moderne et ses impératifs financiers forcent les clubs à obtenir des résultats sur le court-moyen terme afin d’assurer leur pérennité. Pour se faire, les clubs se structurent à trois niveaux. Le président se charge de déterminer les objectifs du club. Quant à la cellule sportive, elle se charge de la stratégie, c’est-à-dire de mettre en place un plan qui permette sur le moyen/long terme de remplir les objectifs, et de la tactique qui est la chasse gardée de l’entraineur. Il s’agit là d’appliquer la stratégie décidée en amont sur le court terme, c’est-à-dire à l’échelle des matchs. Quelques rares clubs vont plus loin dans cette mise en place stratégique, la rendant ainsi imperméable au temps et aux changements au sein du club. Ces rares clubs ont mis en place une identité de jeu.  
Qu’est-ce que l’identité de jeu ?

Il est tout d’abord important de différencier les notions d’identité de jeu et d’idée/philosophie de jeu.

Ces deux notions ont en commun qu’elles se définissent via des paramètres communs, la manière dont l’équipe choisit d’attaquer (degré de possession, degré de verticalité, largeur…) et la manière dont l’équipe choisit de défendre (hauteur du bloc, pressing, largeur, type de marquage et dans le cas d’un marquage de zone ou d’un marquage mixte, le référentiel).

La différence se situe à notre sens dans le fait que la notion d’identité se rapporte à l’unité. Nous pourrions également utiliser le terme d’ipséité. En effet, une équipe ayant une identité de jeu verra celle-ci la définir. De plus, l’identité de jeu prévaut sur les entraineurs successifs, même si ces derniers peuvent l’altérer pour le meilleur et pour le pire.

A l’opposé, l’idée/philosophie de jeu n’est pas pérenne. Elle est le fruit de l’entraineur en place et lorsque celui-ci est remplacé, celle-ci est aussitôt mise au placard. Cependant, lorsqu’un entraineur marque un club par sa philosophie de jeu, cette dernière peut être érigée comme identité de jeu et perdurer avec en perspective des résultats convaincants…

Mise en place et résultats

La mise en place d’une identité de jeu nécessite des investissements lourds pour les clubs. Cela représente un investissement financier, un investissement humain mais aussi et surtout un investissement temporel. Or, le temps est une ressource rare dans le football professionnel. En effet, cette dernière ne se met pas en place du jour au lendemain. 

Des clubs tels que l’Ajax d’Amsterdam, le FC Barcelone ou le FC Nantes ont vu leur identité de jeu être impulsé respectivement par Rinus Michels (1965-1971 et 1975-1976), Johan Cruijff (1987-1996) et José Arribas (1960-1976). Pour les deux premiers clubs, l’identité de jeu mise en place est toujours d’actualité tandis que pour le dernier cité celle-ci a disparu sur le terrain mais existe encore dans les mémoires. Ces différentes identités de jeu ont ramené à leurs clubs respectifs des C1, des C2, des C3, des championnats nationaux et des coupes nationales. 

AFP

Le parti pris d’adopter une identité de jeu nécessite un investissement humain et financier important, car il s’agit là de restructurer un club autour d’idées communes pour de nombreuses années. La manière d’appréhender le jeu doit être la même entre les équipes de jeunes et l’équipe première afin d’avoir un vivier de joueurs compatibles avec l’identité de jeu prônée. Il est donc nécessaire d’avoir au sein du club des entraineurs et des éducateurs dont le profil est là aussi compatible avec l’identité de jeu souhaitée. Ils devront s’investir humainement car la mise en place d’un projet d’une telle ampleur nécessite une certaine cohérence dans les décisions de la cellule sportive. Les transferts de joueurs nécessitent plus qu’habituellement une exigence quant aux profils, ils devront parfaitement assimiler l’identité de jeu et s’intégrer dans l’effectif déjà en place. 

Une condition qui n’est pas sine qua non

Les clubs ayant une identité de jeu ont pour la plupart, d’une part, atteint les objectifs escomptés et ceci sur le long terme, et d’autre part, marqués l’histoire en arrivant là où on ne les attendait pas forcément, en glanant des titres et en marquant l’esprit des amateurs de football. 

Pourtant, il ne s’agit pas d’un modèle commun malgré des résultats probants. Il fait plutôt état d’exception dans le football moderne. En effet, tous les clubs ne disposent pas du temps, des finances ou des éléments humains nécessaires à la mise en place d’un tel modèle. Cela n’empêche pas ces clubs de mettre en place un jeu digne de rester dans les mémoires, ni de gagner des titres. Ils se tournent vers d’autres modèles, sans doute moins stables mais tout aussi efficace. En témoigne le Real Madrid, club sans identité de jeu, qui a connu autant de philosophie de jeu que d’entraineur mais qui sur ces dernières années a toujours eu les armes pour lutter contre son némésis le FC Barcelone, premier club qui vient à l’esprit lorsque l’on parle d’identité de jeu.

La zone grise

De l’Esprit des lois du football

  • 16 septembre 20193 avril 2023
  • par Hayk Keshishian
Pas une journée de football ne passe sans qu’une polémique ne surgisse autour d’une décision arbitrale liée à une main dans la surface ou à un hors-jeu de quelques millimètres. Au cours de ces débats intenses, chaque participant pense détenir la solution du litige en citant la règle – souvent inventée – qui aurait dû être appliquée par l’arbitre. Le spectacle est amusant, parfois frustrant, surtout lorsque les commentateurs eux-mêmes s’aventurent en direct dans des explications sur la seule et unique loi applicable. Or, en réalité, la lettre de la règle a une importance relative, celle-ci devant être nécessairement appliquée conformément à l’esprit des lois du football.
La nécessaire interprétation des règles

Puisqu’on se permet d’emprunter le titre du célèbre ouvrage de Montesquieu1, on va faire ici un court passage par la théorie générale du droit.

Le caractère général et abstrait de la règle de droit, en ce qu’elle entend prendre en compte des situations générales et non des cas particuliers, impose à celui qui doit l’appliquer – en principe le juge – de l’interpréter. Les lois du football, telles que rédigées par l’International Football Association Board (IFAB), n’échappent pas à ce principe. En effet, bien que déjà assez précises, elles ne peuvent encadrer toutes les situations possibles et imaginables, et laissent souvent une marge d’appréciation à celui en charge de les appliquer, l’arbitre.

Prenons un exemple pour mieux comprendre. La règle relative à la faute de main (loi 12) dispose qu’il y a faute dans trois situations, qui peuvent offrir soit une liberté d’appréciation à l’arbitre, soit une part d’interprétation de la règle elle-même :
• Le joueur touche délibérément le ballon de la main : l’appréciation de l’intention du joueur dépend donc de l’arbitre.
• Le joueur récupère la possession du ballon après avoir touché le ballon de la main et se crée une occasion de but ou en marque un : ici, l’arbitre définit ce qu’est ou non une occasion de but.
• Le joueur marque directement de la main : même là, le caractère « direct » peut subir différentes interprétations.

De manière encore plus flagrante, cette disposition poursuit en décrivant d’autres situations qui constituent « en général » une faute ou ne constituent « en général » pas une faute. Dans ces différents cas, l’arbitre dispose donc d’une liberté d’interprétation quasi-totale puisqu’il n’est pas contraint par une solution systématique. Cette liberté laissée à l’arbitre n’est toutefois pas une faille des lois du jeu mais simplement le reflet de la complexité, et la beauté, de ce sport qui est loin d’être mécanique. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir comment interpréter les règles du football.

L’esprit des lois du football

L’interprétation des règles de droit peut se faire de différentes manières. Pour simplifier, on peut identifier deux grandes catégories. La première est celle des méthodes d’interprétation intrinsèque, qui se réfèrent essentiellement au texte de la loi ainsi qu’à l’intention des auteurs. La seconde est celle des méthodes d’interprétation extrinsèque2, qui utilisent des éléments extérieurs, afin de prendre notamment en compte l’évolution de la société. Or, concernant les lois du jeu, celles-ci sont actualisées très régulièrement – la dernière version datant de 2019 – et il est dès lors moins compliqué de tenir compte de l’intention des auteurs et de manière générale de l’esprit de ces règles.

Mais quel est cet « esprit » ? Ce sont les raisons pour lesquelles les règles de ce sport ont été instaurées, leur raison d’être. On ne va évidemment pas s’aventurer dans une analyse une par une de la « ratio legis »3 de chaque loi mais on se concentrera sur les deux plus sollicitées, celles qui alimentent les débats chaque semaine.

La faute de main. – A la lecture du texte des lois du jeu relative à la faute de main, on s’aperçoit que celle-ci entend sanctionner l’avantage perçu par un joueur à travers l’utilisation, volontaire ou involontaire, de sa main. Cet avantage peut être soit la création d’une occasion pour un joueur en position d’attaque, soit au contraire l’annihilation d’une occasion pour un joueur en position de défense. Ainsi, pour qu’une faute de main à l’intérieur de la surface entraîne un penalty, et sauf le cas où la main était complètement collée au corps, l’arbitre devrait se poser comme unique question « cette main a-t-elle empêché une action de but ? » Pourtant, les dernières décisions semblent loin de respecter cet esprit…4

La règle du hors-jeu. – Si elle a été peaufinée depuis sa création en 1863, cette règle a toujours eu le même objectif : sanctionner une position trop avantageuse pour un attaquant et considérée à ce titre comme illicite. Cette position est caractérisée aujourd’hui dès qu’un joueur se trouve « dans la moitié de terrain adverse et plus près de la ligne de but adverse que le ballon et l’avant-dernier adversaire. » Néanmoins, lorsque cette position semble peu évidente (ex. seule une tête dépasse, ou seulement quelques centimètres), l’arbitre devrait apprécier la situation en prenant en compte le seul esprit de la règle, et non une application stricte du texte. Autrement dit, l’arbitre devrait se poser la seule question : « cette position a-t-elle avantagé le joueur au détriment de l’adversaire ? ». Dès lors, on a dû mal à comprendre le raisonnement des arbitres lorsqu’un hors-jeu de quelques centimètres est sanctionné.

Une présomption de légalité

Pour que la conformité à l’esprit des règles du football soit totale, un autre principe doit être respecté : celui de la présomption de légalité. Autrement dit, il s’agit de considérer qu’une action – comme un ballon reçu par un attaquant dans une position intéressante, un tacle d’un défenseur, ou un contact du ballon avec le corps d’un joueur – est licite tant que son contraire n’a pas été démontré. Plus simplement, cela revient à dire que le doute doit profiter au joueur accusé d’avoir commis un acte en violation des règles du jeu. Dès lors, lorsqu’un hors-jeu est contestable, la balance doit pencher vers l’absence de hors-jeu. De même lorsqu’il n’est pas sûr qu’une main ait annihilé une action de but, celle-ci ne doit pas être sanctionnée. Une solution similaire doit également s’appliquer en cas de tacle litigieux. Ce principe peut certes aboutir à ce qu’un acte non autorisé ne soit pas sanctionné, tel qu’un penalty non accordé à tort, mais cette situation reste davantage tolérable que l’inverse, c’est-à-dire un acte autorisé sanctionné à tort, tel qu’un penalty accordé pour une faute inexistante ou encore un hors-jeu sifflé de manière incorrecte.  

En conclusion, l’esprit des lois du football doit être la boussole guidant l’ensemble des décisions arbitrales. Et si la mise en place de l’assistance vidéo à l’arbitrage ainsi que les récentes décisions semblent nous conduire vers un football davantage mécanique, qui se contenterait d’appliquer de manière systématique et rigoureuse les règles du jeu, les amateurs de ce sport ont tout intérêt à ce que cette tendance se renverse.

1. Montesquieu, De l’Esprit des lois (1758) 
2. Voir les oeuvres de Saleilles et Gény
3. La ratio legis signifie la raison d’être de la loi
4. Par exemple, la main de Kamara de l’OM face à Monaco lors de la 5ème journée du championnat

Crédit photo : sport24info.ma

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